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lyrica-massilia

La mémoire des anges

18 Novembre 2023 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot Publié dans #Musiques Interdites

Photo ©Luc Avrial

 

Lawrence Forster qui tenait jeudi soir la baguette de l’orchestre de l’opéra pour ce concert du festival Musique interdites, 18ème édition,  l’a annoncé  d’entrée : la soirée serait dédiée à tous les anges (entendez, les enfants) victimes des crimes de guerre du moment, au delà de ce qu’exprimaient en termes de tragédies individuelles les partitions de Mahler et Berg, sur lesquelles nous allons revenir.

Mais avant, il nous faut regretter que la salle ait été si peu garnie en ce mardi 14 novembre au soir. Est-ce la tristesse de cet espace glacial du Cepac-Silo, dont la jauge était pourtant réduite, dans un quartier de la Joliette qui ne respire pas non plus une franche gaîté, était-ce un programme qu’on aura jugé trop austère ? Les artistes auraient, quoi qu’il en soit, mérité un public plus nombreux, les organisateurs, plus  courageux que jamais en ces temps agités, tout autant.

La construction de la soirée était intelligente. On a en effet commencé par la version pour baryton des Kindertotenlieder (Chants pour les enfants morts) de Mahler (1901-1904). Puis nous avons pu entendre le concerto pour violon et orchestre d’Alban Berg à la Mémoire d’un ange (Am Andenken eines Engels, 1935).

A suivi un petit intermède avec un choral de Bach BWV 60 (es ist genug : il y a en a assez), cité par Berg à la fin de son œuvre et repris avec deux voix et un violon. Le concert s’est achevé avec la version pour mezzo des Kindertotenlieder.

L’orchestre était encore une fois au mieux de sa forme, tous pupitres confondus. Le chef était, si l’on ose dire, aux anges, lui qui se retire progressivement d’une direction qu’il aura magnifiquement servie.

En revanche, disons le tout cru, la performance du baryton Mathias Haussmann ne nous aura pas convaincu. Et pour que ce jugement ne paraisse pas trop subjectif, nous avons consulté un nombre conséquent des spectateurs. Le verdict fut quasi unanime : voix sèche, manque de puissance et aucune émotion transmise sur des textes et des musiques qui n’en manquaient pourtant pas.

 

 

Fort heureusement, la performance d’Aude Extrémo nous a remis au diapason. La voix de la mezzo-contralto que nous connaissons bien à Marseille nous prend aux tripes, la douleur est présente, Mahler est servi en majesté.

Quant à la violoniste bulgare Albena Danailova, elle a fort bien tiré son épingle d’un jeu fort difficile. Le concerto de Berg, écrit en deux parties, aux limites de la tonalité et de la dodécaphonie, est en effet une partition redoutable, pour la soliste, comme pour l’orchestre dont la puissance de feu voulue par le compositeur constitue parfois un défi sonore.

Le compositeur était mort au moment de la création, à cinquante ans, ce qui ajoute au caractère poignant de l’œuvre que les nazis ne manquèrent pas de considérée comme dégénérée, entartete.

 

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