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Dix questions à Emmanuel Trenque, Chef de chœur à l’opéra de Marseille

21 Février 2022 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot Publié dans #Interview

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Le bruit court que vous avez commencé votre carrière musicale dans le rock. Au delà de cette origine, pouvez-vous nous rappeler les différentes étapes de votre formation ?

(Rires) Effectivement, j’ai joué quelques années (jeune collégien) du synthétiseur dans un groupe  toulousain de rock « Zig-Zag ». Je suis issu d’une famille de musiciens ; un arrière-arrière-grand-père compositeur, une grand-mère et une tante ayant chanté en chœur et mon père étant Chef de Chœur, Baryton, Choriste de nombreux chœurs toulousains. J’ai moi-même chanté en chœur très tôt, appris le piano, l’orgue, le chant. Au Conservatoire de Toulouse, je menais de front mes études d’accompagnement, piano et chant lyrique avec la classe d’orgue de l’Institut de Musique Sacrée et la faculté de musicologie.

Dès l’âge de 15 ans, j’ai créé ma première chorale « L’Ensemble Vocal Victor Hugo » dans mon lycée où se côtoyaient lycéens, surveillants et professeurs. Cela fait donc … 28 ans que je mène mon activité de Chef de Chœur.

Après mes études à Toulouse, j’ai intégré sur concours le Centre de Formation Lyrique de l’Opéra de Paris comme Chef de Chant avant de remporter le Prix Bösendorfer du concours du Belvédère à Vienne, récompensant le meilleur Chef de Chant.

Ensuite, pour mes différents postes de Chef de Chœur en maisons d’opéras, ce sont trois rencontres avec trois directeurs qui, tour à tour, m’ont fait confiance, m’ont engagé : d’abord Jean-Yves Ossonce à l’Opéra de Tours où j’ai été Chef de Chant pendant une saison avant d’être Chef de Chœur pour dix saisons. Parallèlement, une belle et décisive rencontre se fait avec Raymond Duffaut qui me confia pendant huit saisons (pour une douzaine d’ouvrages) les rênes des « Chœurs de Régions » des Chorégies d’Orange. J’étais le Coordinateur Choral des différents chœurs de région réunis pour chaque ouvrage ; également, j’assurais le poste d’Assistant à la Direction Musicale.

Enfin, c’est Maurice Xiberras, le Directeur Général de l’Opéra de Marseille, qui est « venu me chercher » et m’a proposé (connaissant, entre autres, mon travail aux Chorégies) le poste de Chef de Chœur de l’Opéra de Marseille.

C’est ainsi que depuis Septembre 2015, je suis le Chef de Choeur de l’Opéra de Marseille.

 

Parallèlement, je n’ai jamais arrêté de diriger et travailler avec des chœurs amateurs… je repense à ma première chorale de mon lycée, au « Petit Chœur » avec des étudiants de la faculté de musicologie, à l’« Ensemble Vocal de l’Institut de Musique Sacrée de Toulouse », et plus récemment depuis mon arrivée ici, des ateliers voix auprès de l’Institut de la Maladie d’Alzheimer mais surtout la Direction Musicale du « Chœur Philharmonique de Martigues » depuis Septembre 2018.

 

Quelle idée aviez-vous de la ville de Marseille et de son Opéra avant de les rejoindre en 2015?

Pourtant natif du sud, il se trouve que je n’avais jamais eu l’occasion de visiter Marseille, de découvrir son opéra et son chœur avant de m’y rendre pour … signer mon contrat ! Installé depuis sept ans proche du Vieux-Port et donc à proximité immédiate de l’Opéra, je suis toujours émerveillé par la lumière, la mer, les îles, les mille paysages et beautés du patrimoine.

Pouvez vous nous expliquer en quoi consiste précisément votre activité de chef de chœur ?

Avec le Chœur de l’Opéra de Marseille, nous travaillons tous les jours du mardi au samedi, et également les dimanches lors des représentations.

Lorsque vous (public) ne voyez pas le Chœur en scène, nous sommes en studio de répétition. Mon travail consiste à préparer tous les ouvrages programmés et apprendre toutes les parties chorales. Pour cela, mon service est composé de 34 artistes = 31 Artistes du Chœur, 2 Pianistes Chef de Chant et une (très précieuse) régisseuse du chœur.

Nous déchiffrons les partitions d’abord par pupitre, puis les dames réunies ou les hommes ensemble et enfin en Tutti (le Chœur entier réuni). Je dois m’assurer de la parfaite intonation (la justesse) de chaque artiste et donc de chaque pupitre, de l’homogénéité d’un pupitre et donc du chœur dans son ensemble, du respect du rythme, des nuances, des indications des compositeurs, de la prononciation des langues, etc. Pour le russe par exemple, c’est avec un grand bonheur que j’ai pu préparer, monter trois grands ouvrages russes les dernières saisons, « Boris Godounov » se Moussorgski, « Eugène Onéguine » et « La Dame de Pique » de Tchaïkovski.

En résumé, un grand travail de fourmi, de « mécanicien », de chef de service pour laisser éclore la beauté des envolées chorales toujours en conduisant chaque artiste à donner le meilleur de lui-même.

 

Rêvez-vous de devenir chef d’orchestre de plein exercice ?

J’ai actuellement la chance inouïe de pouvoir diriger l’Orchestre Philharmonique de Marseille et l’Orchestre de l’Odéon. Avec le premier, j’ai déjà conduit deux concerts « Broadway Symphonique », mais également un concert « Offenbach ». Avec le second, j’ai déjà dirigé neuf productions dans la fosse de l’Odéon. Et lors de mon ancien poste à Tours, j’ai dirigé de très nombreux programmes symphoniques, de très nombreux oratorios, mais également opéras et opérettes à la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours où mon premier ouvrage, en fosse, était Le Viol de Lucrèce de Britten en 2007 (où je tenais déjà, comme demandé par le compositeur, la partie piano en plus de la direction d’orchestre).

En revanche, rien ne remplacera le travail quotidien de recherche de couleurs, d’homogénéité, de son, de vision musicale que je peux mener auprès de « mes » Artistes du Chœur de l’Opéra de Marseille et ce travail « impalpable » réalisé avec les voix. Donc, c’est par la négative que je réponds (à ce jour) à votre question.

 

Comment recrutez-vous vos chanteurs et à quel niveau ?

Les Artistes du Chœur de l’Opéra de Marseille sont recrutés sur concours, à un très haut niveau professionnel. Nous leur demandons de présenter différents airs lyriques (dont certains imposés), en différentes langues, et représentatifs du pupitre pour lequel ils postulent. Également, ils doivent présenter des extraits imposés de chœur (par cœur) ; récemment pour le recrutement de deux Alti 2 (la voix la plus grave dans les pupitres de dames), elles devaient présenter un extrait de l’Enlèvement au Sérail et un extrait de Don Carlo. Enfin, nous leur demandons un déchiffrage d’une partition inconnue.

Ainsi, au cours des trois tours du concours de recrutement, nous pouvons juger de la tessiture, de la couleur de voix, l’aptitude aux langues étrangères, la capacité de mémorisation, le niveau de lecture à vue / déchiffrage, etc.

 

Existe-t-il une hiérarchie musicale et salariale dans votre équipe?

Au sein des Artistes du Chœur de l’Opéra de Marseille, il n’y a pas de « hiérarchie musicale » ; hiérarchie que l’on peut retrouver par exemple au sein d’un orchestre avec un violon solo, un violon chef d’attaque, etc. Mon pupitre de Soprani est composé de huit artistes toutes au même poste, pas de soliste, pas de co-soliste, pas de tuttiste. Ainsi, à part l’ancienneté, il n’y a également pas de hiérarchie salariale.

 

On trouve six voix répertoriées dans le monde lyrique : basse, baryton, ténor, alto, mezzo, soprano. Or les barytons et les mezzos ne figurent pas dans votre typologie vocale. Pourquoi ?

Si, si !! Ils sont bien présents parmi mes artistes du Chœur de l’Opéra. Par ‘convention’, une partition chorale est écrite sur quatre portées : Soprano / Alto / Ténor / Basse et c’est pourquoi cette même répartition est utilisée dans les différents organigrammes. Ainsi, dans mon pupitre de huit Alti, il y a bien cinq Mezzi et trois Alti, que l’on appelle respectivement Alto 1 et Alto 2. Pareillement dans mon pupitre de sept Basses, il y a quatre Barytons et trois Basses, appelés Basse 1 et Basse 2.

Parlant de répartition chorale, et peut-être moins connue du grand public, la partie vocale dévolue aux ténors est (presque toujours) divisée et pour faire la distinction, nous parlons ici de 1er Ténor (ou Ténor 1) et de 2nd Ténor (ou Ténor 2). Pour rebondir sur votre précédente question, il n’est point question de hiérarchie mais de ligne vocale dédiée entre partie de ténor plus ou moins aiguë (comme les 1ers et les 2nds Violons).

 

 

 

Le chœur que vous dirigez participe-t-il aux Chorégies d’Orange et à d’autres manifestations ?

Oui, le Chœur de l’Opéra de Marseille a régulièrement participé aux Chorégies d’Orange (plus récemment pour La Traviata en 2016). Les messieurs ont chanté en 2018 au Théâtre de la Ville de Luxembourg pour Le Barbier de Séville.

A côté de ces prestigieuses invitations, le Chœur participe pleinement et activement à la vie musicale marseillaise au travers de très nombreux concerts pour tous nos publics, les plus jeunes, les publics empêchés, nos aînés …

Chaque saison, nous donnons deux concerts pédagogiques devant 1600 élèves de l’Académie Aix-Marseille, nous donnons sept Concerts dans le cadre de l’Action Culturelle dans les Ehpad, les hôpitaux ; nous chantons également au Centre Pénitentiaire de Marseille – Les Baumettes (où nous nous produirons début mars). Également, lorsque nous ne sommes pas en scène (comme la récente production wagnérienne sans chœur), nous programmons des concerts et récitals dédiés pour mettre en avant le Chœur de l’Opéra de Marseille et « lui seul » comme nos deux récents récitals « Grandes Prières de l’Opéra » à la Basilique du Sacré-Cœur  ou  « Musique Romantique Allemande » au Grand Foyer Ernest Reyer au sein de notre Opéra Municipal.

Ainsi, je peux déjà vous donner rendez-vous dans 14 mois, le Vendredi 14 Avril 2023 sur la scène de l’Odéon pour notre récital « Voyage(s) au C(h)oeur de l’Amérique Latine » (Guastavino, Villa-Lobos, Piazzolla, …) par le Chœur de l’Opéra, sous ma direction.

 

 

Quel est votre répertoire préféré ?

Le compositeur faisant le lien entre toutes les facettes de « mes » métiers (Chef de Chœur, Pianiste, …), l’éclectisme de son catalogue musical mais aussi, c’est votre question, ma préférence personnelle : Francis Poulenc ! Sans aucune hésitation.

Tout d’abord comme pianiste, j’ai pu jouer – accompagner de très nombreux cycles de mélodies, mais aussi des partitions plus exigeantes comme  La Dame de Monte-Carlo  (enregistrée à l’improviste sur France Musique dans l’émission « Dans la cour des grands », pièce jouée aussi lors de mon Prix d’Accompagnement). Comme choriste, j’ai pu notamment chanter la trop rare et méconnue cantate pour chœur Sécheresses. Comme chef de chant, j’ai eu le bonheur de pouvoir préparer La Voix Humaine auprès de Janine Reiss ; elle était une très grande chef de chant qui a dispensé son savoir et son exigence à l’Opéra de Paris, aux Chorégies d’Orange, … et surtout qui a côtoyé Francis Poulenc et … ses indications transmises sont un bien précieux. Je reste encore ému quand je repense à quelques séances de travail autour des Dialogues des Carmélites dont elle a vu sous les yeux, sous ses doigts la création au fur et à mesure des nuits d’écriture de « Poupoule » (Francis Poulenc). Dialogues des Carmélites est un ouvrage dont j’ai préparé avec émotion le Chœur de l’Opéra de Tours en 2010. D’ailleurs, ce sont trois poignants extraits que le Chœur de l’Opéra de Marseille a interprétés et défendus avec ardeur et piété fin janvier à la Basilique du Sacré-Cœur.

Enfin, je jouerai le dimanche 10 Avril prochain L’Histoire de Babar au piano. Vous l’aurez donc compris : Francis Poulenc fait donc le lien idéal entre écriture pianistique, mélodie française, musique sacrée, opéra et mon profil caméléon de chef, pianiste, chef de chant… avec le même bonheur et la même intensité que ce soit Les Litanies à la Vierge Noire de Rocamadour ou l’opéra surréaliste, déjanté, loufoque, génial Les Mamelles de Tirésias.

 

 

Participez-vous à la programmation et, si oui, privilégiez-vous les ouvrages comportant une bonne partie chorale ?

C’est notre Directeur Général de l’Opéra de Marseille, Maurice Xiberras, qui choisit et programme les ouvrages lyriques.

Nous avons une très grande chance à Marseille de voir le Chœur de l’Opéra programmé toute la saison et avec de « bonne partie chorale » pour reprendre votre question. Je ne peux pas vous dévoiler les titres de la saison prochaine, mais ce sera définitivement une très grande saison chorale et vocale pour le Chœur de l’Opéra de Marseille.

Si je devais garder deux souvenirs / deux émotions / deux fiertés depuis ma prise de fonction en Septembre 2015, ce serait : « Lohengrin » en 2018 où les 70 Artistes du Chœur présents pour cet évènement ont brûlé les planches et dont la prestation chorale était remarquable (quel ouvrage pour le Chœur !!). Et beaucoup plus récemment, c’est notre récital « Grandes Prières de l’Opéra » où le matin du concert j’ai appris que je serais moi-même au piano. Alors une cohésion indescriptible du Chœur, une magie d’unité, d’engagement « autour de moi » et entre nous tous étaient déjà palpables lors de notre ‘générale’ l’après-midi du concert pour ne faire qu’un lors du récital… un précieux moment musical qui restera !!!

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