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lyrica-massilia

La Bohème en ligne : un ravissement vériste

4 Janvier 2021 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot Publié dans #Opéra de Marseille

Du Puccini à l’état pur. D’accord, ce serait bien mieux in vivo, en présentiel, comme on dit en novlangue confinée. Mais il eût été dommage de priver les Marseillaises et Marseillais d’un tel travail vocal et scénique. Merci à l’Opéra de Marseille d’avoir pris cette initiative. Que l’on se dépêche, qu’on se le dise et redise, le chef d’oeuvre est en ligne, sans bourse délier, sur le site Marseille.fr, rubrique culture, et ce, jusqu’au 24 janvier.

 

Cette oeuvre en quatre actes et quatre tableaux écrite par Giacomo Puccini fut créée en février 1896, après trois ans d’écriture. Ce fut au Théâtre Regio de Turin, sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d’après le roman déjà ancien d’Henri MurgerScènes de la vie de bohème (1851), issu de sa pièce de théâtre La Vie de bohème (1849). C’est l’un des opéras les plus joués au monde et l’un des principaux exemples du verismo, transposition italienne du naturalisme littéraire français.

 

 

On sait que pour cette production marseillaise, le metteur en scène Léo Nucci s’est désisté, refusant d’adapter son travail aux conditions drastiques du moment, lesquelles se remarqueront pour la postérité par les masques noirs que portent les choristes. Mal lui en aura pris car, au pied levé, Louis Désiré (notre photo) nous a proposé un travail remarquable et qui n’est pas pour rien dans la cohérence de la production. Les décors et costumes de Diego Méndez Casariego, comme les lumières de Patrick Méeus, participent  d’un ensemble qui est à présenter d’urgence à qui ne connaîtrait pas encore l’univers puccinien, un monde aisément transposable aujourd’hui, car il paraît que la pauvreté existe encore chez les artistes.

 

 

C’est Paolo Arrivabeni qui assure la direction musicale, à la tête d’un orchestre de l’Opéra de Marseille probablement réduit en effectif, mais sonnant comme il se doit, sans le moindre aspect larmoyant. Il est assisté de l’irremplaçable Clelia Cafiero. Venons en à la distribution qui fait, une fois de plus, honneur à la scène phocéenne. Enea Scala en Rodolfo, ténor d’exception, domine un rôle écrasant, avec une aisance vocale et dramatique qui le conduit à pleurer des suraigus à la fin de l’œuvre, suscitant une émotion incontrôlable. Il nous avait déjà impressionné à Marseille dans un Duc de Mantoue d’un Rigoletto qui fit quelque bruit. La Mimi d’Angelique Boudeville, avec sa voix forte, mais sensible de soprano lyrique, est des plus crédibles en femme du peuple qui ne renonce pas à un amour transcendant une maladie qui la ronge (pas le Covid, mais la phtisie).

 

Alexandre Duhamel, grand baryton très à l’aise dans le rôle de Marcello, sorte d’ombre de Rodolfo, et la Musette de Lucrezia Drei, délicieuse soprano cocotte, jouent à l’unisson, aussi bien vocalement que dramatiquement, de même que les rôles que nous n’oserons dire “non essentiels”. Régis Mingus (Shaunart), Alessandro Spina (Colline), Antoine Garcin (Benoit) et Jean-Claude Épitalon (Alicidoro),  participent de la qualité de cette distribution, dans cette Bohème qui nous a ravis par sa cohérence et sa musicalité.

 

Les duos et quatuors sont magnifiquement réglés. Ils ajoutent à une émotion qui se dégage par les voix et les corps dès le long, hélas trop long, récitatif du début de cette oeuvre étrangement écrite sans ouverture. Tout celà avant que le premier grand air: “Che gelida manina” ne nous jette dans un grand bain d’eaux tumultueuses que nous ne quitterons plus jusqu’à la mort de Mimi dans les bras de Rodolfo.

 

 

La reprise jadis annoncée des représentations de spectacles en tous genres le 7 janvier prochain étant hélas une aimable plaisanterie, il va falloir s’habituer à ce que la Culture ne soit considérée ni comme essentielle, ni comme existentielle. Le temps que le vaccin ait progressé, il sera nécessaire et utile de continuer de mettre les œuvres en boîte à musique. Ce sera le cas pour Tosca (encore un Puccini) en février et peut-être même (espérons nous tromper) pour Luisa Miller de Verdi en Mars. On le doit aux artistes, afin que leur travail et leur prestation ne disparaissent pas aux oubliettes, comme ce fut hélas le cas pour l’Italienne à Alger. Ceci nous semble d’autant plus utile que la prise de vue -  comme pour la Chauve Souris de l’Odéon - est  sobre, mais excellente.

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