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lyrica-massilia

Rigoletto : Un cast eccezionale

7 Juin 2019 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot

 

 

 

Cette reprise, pour la mise en scène et les décors d’une production des chorégies d’Orange proposée en 2017 et disponible en ligne, soutient largement la comparaison musicale. Nos lectrices et lecteurs pourront le vérifier, quelle qu’ait été la qualité vocale de la production en question. Nous reviendrons sur la mise en scène, les décors et les lumières pour nous concentrer en premier lieu sur l’éblouissante distribution vocale de cette production marseillaise, soutenue par un orchestre en grande forme dirigé par Roberto Rizzi-Brignoli et les chœurs menés par Emmanuel Trenque.

 

  

 

Il est difficile de dissocier les trois grands artistes que nous avons pu apprécier tout au long de la représentation : Nicola Alaimo en Rigoletto,  Jessica Nuccio en Gilda, et Enea Scala en duc de Mantoue (de gauche à droite), tant leur qualité vocale et dramatique nous aura charmés. Connaissant très bien l’œuvre, nous nous sommes cependant laissés transporter du début à la fin par leur talent musical et dramatique.

 

Dans le rôle écrasant du personnage titre, Nicola Alaimo prend place dans le panthéon des grands interprètes de par sa sensibilité au service d’une vocalisation hors pair de baryton lui permettant d’habiter le rôle d’une manière qui aurait fait plaisir à Victor Hugo, auteur du Roi s’amuse (1832), cette pièce dont Piave s’inspira pour offrir à Verdi l’un de ses chefs d’œuvre. Il assure depuis le début de l’œuvre une dramaturgie qui pallie la lourdeur des images que l’on nous propose, par exemple, vers la fin, les larmes coulant d’une montagne.

 

Dans l’incarnation de sa fille, Gilda, on retrouve Jessica Nuccio, soprano toute de douceur et de clarté, jusqu’au suraigu, et qui joue parfaitement d’une fragilité qui rend le personnage non seulement crédible, mais envoûtant. Elle est d’autant plus méritante qu’elle a remplacé une consœur qui, après étude du rôle, a décidé de se désister.

 

Quant à Enea Scala, jeune premier brillantissime, il enchaîne les airs les plus connus avec une facilité déconcertante, un naturel et une précision qui n’obligent pas à faire abstraction de  l’aspect physique de l’interprète, comme c’est souvent le cas pour certains prétendants proposés ici où là dans ce rôle-phare pour ténors.

 

L’orchestre, placé sous la baguette de Roberto Rizzi-Brignoli, chef que nous avions déjà pu apprécier dans Turandot nous a régalés par une précision qui permet de redécouvrir les détails de la partition. Pour en ajouter dans un dithyrambe justifié, soulignons que les rôles dits secondaires ont tenu parfaitement leur rang. Dans l’expression d’une semi-vulgarité parfaitement maîtrisée, la mezzo-soprano Annunziata Vestri a permis une poignante interprétation du célèbre quatuor vocal du troisième acte. Sparafucile, le tueur, interprété par Alexey Tikhomirov, comme les neuf autres membres de la distribution méritent les éloges, de même que les choristes, surtout des hommes, dans cet ouvrage fort peu féministe, qui eut maille à partir avec la censure lors de sa création à la Fenice de Venise en  mars 1851, mais pour motifs politiques.

 

A Marseille l’œuvre fut créée le 13 mai 1860. Malgré son succès, elle ne parvint pas à renflouer les caisses de l’opéra, ce qui conduisit à la démission du directeur Théodore-Constantin-Alexandre Baudin dit Letellier (1801-1877).

 

 

Les cinq représentations marseillaises de ce Rigoletto ont fait salle comble et ont obtenu un franc succès, ce qui n’est que justice. Venons-en à la mise en scène et surtout aux décors. La première partie relève à nos yeux sur ce plan d’un conventionnel regrettable et la seconde d’un pseudo symbolisme écrasant de banalité. La mise en scène, qui fonctionne  par la force des choses en réduction de celle d’Orange, ne déborde pas d’inventivité, mais ne nuit pas à l’ensemble. Les costumes sont eux aussi des plus classiques. Une mention est cependant à décerner aux lumières de Marc Delamazière qui soulignent sans excès les temps forts et les états psychologiques des diverses interprétations.

 

Dans un autre style, la récente réalisation de Traviata, comme nous l’avons souligné en son temps, n’était pas digne de la qualité musicale proposée. Jacques Roubaud n’est pas en cause, qui avait signé une belle mise en scène de Turandot.  Posons le tout net. S’il s’agit de nécessités économiques, tout à fait compréhensibles, mieux vaudrait proposer moins d’œuvres au programme et en appeler, comme cela se fit jadis à Lyon, Paris, ou Aix en Provence à des stars de la mise en scène et du décor du théâtre, charge à eux de prendre à bras le corps les ouvrages classiques, voire les poncifs, pour les revisiter.

 

En conclusion, la qualité musicale de ce Rigoletto est sans conteste la plus remarquable que nous ayons entendue cette saison dans la cité phocéenne, sachant, comme nous en avons témoigné, que la barre était déjà haut placée. Incontestablement, cela situe l’opéra de Marseille parmi les grandes scènes internationales, qui plus est avec des interprètes qui ont devant eux de longues  années de carrière.

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