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Dix questions à Frédéric Isoletta

15 Décembre 2023 , Rédigé par Jean-Marie Cabot Publié dans #Interview

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©Roll’s studio

 

Nous souhaitions interroger Frédéric Isoletta pour plein de raisons. Nous avions trouvé le projet de l’orchestre des Colibris dont il s’occupe, tellement original et généreux que nous voulions en savoir un peu plus. Merci à lui de nous avoir accordé du temps dans cette période où il en a certainement peu, merci à lui pour ses réponses...

 

 

 

Bonjour, on vous connait comme pianiste, organiste, chef d’orchestre, conférencier, ou encore enseignant au Conservatoire et j’en oublie peut-être, comment doit-on vous présenter ?

Bonjour !

J’ai un profil assez varié, éclectique, donc ça peut être déroutant, et c’est même quelque chose qui n’est pas forcément bien compris dans la musique en France, où nous aimons bien mettre les gens dans des cases. J’ai une formation « à tiroirs » et cette variété me permet aussi de ne jamais tomber dans la routine. Je peux juste me présenter comme musicien. Musicien qui joue, qui accompagne, qui dirige, et qui parle. Parler de ce qu’on joue n’est pas interdit et ne doit pas être réservé à ceux qui ne jouent pas. Pour moi c’est indissociable, et l’un nourrit l’autre.

 

Comment arrivez-vous à organiser votre emploi du temps à travers toutes ces activités ? Y en a-t-il qui vous tiennent plus à cœur que d’autres ?

J’ai maintenant moins de cours qu’avant, et plus de répétitions d’orchestre, donc c’est un peu différent du moment où j’enseignais aux classes CHAM1 de Longchamp. Les journées sont de toutes façons trop courtes, la semaine est trop courte… Au moins on n’est pas dans un traintrain même si j’ai parfois l’impression de courir après le temps. J’ai un agenda qui est souvent plein à craquer et c’est parfois le grand écart dans la même journée, mais c’est aussi ça qui me plait. Tout me plait, me tient à cœur, même si j’aime bien accompagner des artistes qui chantent, qui jouent, ma vocation première.

 

On vous a entendu interpréter récemment des pièces du répertoire classique d’auteurs peu connus, diriger à la tête des orchestres du Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille des morceaux de Jimmy Hendrix ou des musiques de films, jouer de la variété avec Canta Diva, encore des musiques de cinéma avec le mandoliniste Vincent Beer Demander et bien sûr, accompagner des chanteurs lyriques. D’où vous vient cet éclectisme ? Y a-t-il un genre que vous préférez ou que vous privilégiez ?

J’ai toujours été très curieux, toujours en recherche de quelque chose. Cela rejoint ce que je disais au début, j’aime jouer de la musique, mais aussi en parler, j’aime l’art en général et les correspondances avec la musique m’intéressent particulièrement. Et par-dessus le marché j’aime aussi plusieurs styles ou époques différents, que ce soit de la musique ancienne, du rock, de la création contemporaine. Cela ne me dérange pas de surfer d’un genre à l’autre, même si ce n’est pas quelque chose de forcément compris dans le milieu de la musique classique. Moi du moment que je joue, ou que j’en parle, tout me plait, et mélanger les genres, les styles, et les arts me plait également beaucoup.

 

Est-ce un atout important quand on s’occupe des orchestres symphoniques du Conservatoire donc d’être en lien avec des jeunes élèves, de passer aussi facilement d’un genre à l’autre ?

A mon avis oui. Les temps ont changé, on ne peut pas proposer que du répertoire classique aux orchestres en cycle 1 et 2 par exemple. Il faut à mon sens varier les plaisirs, sans pour autant baisser son niveau d’exigence. Mon expérience peut me permettre d’arranger, d’orchestrer ou de composer des pièces en rapport avec l’effectif et le niveau que j’ai sous les yeux. Faire des styles très différents peut aussi leur permettre d’apprendre différemment mais de se frotter également à différents styles, différentes cultures.

 

Il y a parmi vos activités que nous n’avons pas encore citées, un orchestre dont vous êtes à l’initiative, celui des Colibris. Comment est né ce projet ? Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?

Ce projet est assez inédit. Il vient du fait que mon fils Alexandre est né sourd profond il y a 12 ans. Il porte un implant cochléaire qui lui permet de parler et d’entendre, et même de jouer du violoncelle depuis quelques années. En voyant l’effet bénéfique de la musique sur mon fils, et en prenant des renseignements auprès de chercheurs et de médecins du domaine de la surdité et de l’implant, j’ai eu cette idée un peu folle de monter un orchestre d’enfants sourds implantés. J’ai aussi imaginé de mon côté une gestique de chef basée sur la langue des signes. Des compositeurs comme Vincent Beer Demander, Florent Gauthier et moi-même avons écrit des pièces spécifiques qui peuvent être jouées par ces enfants. Les enfants ont cours au conservatoire Pierre Barbizet de Marseille, l’orchestre étant lui-même porté par le Calms2 qui m’a accompagné dès le début pour pouvoir monter ce projet.

 

Ce projet est-il transposable à d’autres handicaps ?

Oui certainement, avec un cahier des charges sans doute différent, mais il peut donner des idées à d’autres !

 

Le public connait peu le problème de l’inclusion scolaire des enfants handicapés, les écueils rencontrés, malgré les lois de 1975 ou 2005. Avez-vous rencontré des difficultés, des réticences ou au contraire du soutien dans l’élaboration de ce projet ?

Disons que l’idée plait beaucoup, il y a les volontaires que nous n’avons pas besoin de convaincre de travailler avec nous, mais il y a aussi les sceptiques. Les musiciens qui travaillent avec nous avaient surtout peur de ne pas savoir comment faire, mais ils ont été rassurés par l’Urapeda, qui a pu leur offrir une formation sur ce domaine que tout le monde ignore. La musique pour les sourds, c’est vraiment impensable… et encore moins dans un conservatoire. Je suis bien placé pour savoir que les familles touchées par ce handicap ont autre chose à faire que de se présenter dans un conservatoire, ils ne pensent d’ailleurs pas du tout loisir pour leur enfant, ni musique, ni sport… le côté médical prend tellement le dessus sur tout. Le conservatoire a pris conscience de la nécessité d’ouvrir ses portes à ce handicap et aussi de permettre d’ouvrir ensuite certainement d’autres portes à l’avenir.  Le Calms et le conservatoire ont également tout de suite compris l’enjeu d’un tel projet et œuvré à sa mise en place.

 

En quoi l’orchestre des Colibris pourrait aider à faire évoluer la dynamique de l’école inclusive ?

Il y a tellement à faire…

Mais rien que de montrer que ces enfants que rien ne prédestinait à seulement parler, entendre, et être aussi dans une école comme tout le monde, soient sur scène entourés de musiciens professionnels, c’est complètement fou. Cela peut donner beaucoup d’espoir aux autres. Et il y a aussi la face cachée, celle qu’on ne voit pas mais qui fait faire énormément de progrès aux enfants dans tous les domaines, que ce soit l’écoute, la parole, la sociabilité, la psychomotricité… 

 

Quelles sont vos attentes, vos ambitions pour cet orchestre en particulier, pour le projet plus généralement ?

Que cet orchestre puisse grandir, et que les familles touchées par ce handicap n’hésitent pas à y inscrire leur enfant. Je ne souhaite pas que ces enfants soient vus comme des animaux de foire à exhiber, je veux simplement qu’on continue notre chemin à notre rythme, où l’intérêt des enfants est au cœur du projet, et pourquoi pas faire des petits dans d’autres villes !

 

Pour être un peu plus léger, Noel arrive et on vous sait fervent amateur de crèches un peu déjantées, à quand un stand avec les santonniers sur le Vieux Port ?

Je n’en suis pas là mais ma crèche dadaïste évolue aussi tous les ans ! Je sais qu’elle rencontre pas mal de succès et va bientôt sortir des cartons, l’actualité musicalement chargée ces temps-ci fait que je n’ai pas encore eu le temps de m’en occuper mais cela ne saurait tarder !

 

 

1 cham : classes à horaires aménagés musique

2 CALMS : Collectif des Artistes Lyriques et Musiciens pour la Solidarité

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