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lyrica-massilia

Festiv'Opéra de Sausset, interview croisée de Barbara Bourdarel et Cyril Rovery

21 Août 2023 , Rédigé par Jean-Marie Cabot Publié dans #Festival, #Interview

 

Les festivals et concerts de toutes sortes investissent l’espace culturel pendant la période estivale. La musique classique, l’art lyrique ne sont pas le parent pauvre de cette offre et pour un art souvent décrié comme élitiste, passéiste, réservé à un public érudit et j'en passe, il est révélateur de constater que les opéras de poche de petites communes comme la Tour d’Aigues (4300 habitants) ou Sausset les Pins (7500 habitants), font complet et attirent 800 ou 900 spectateurs... bien entendu, le formidable talent des artistes, le travail des organisateurs, la saison et les vacances expliquent pour partie ces succès mais peut-être, au moment où l'on parle beaucoup de crise dans le milieu de cet art, serait-il bon d’essayer d’en comprendre les raisons.

Nous avons interrogé Barbara Bourdarel et Cyril Rovery, maitres d’œuvre et acteurs du Festiv’Opéra de Sausset les pins.

 

Comment avez-vous intégré le festival de Sausset ?

Barbara Bourdarel : Sausset-les-Pins avait déjà une programmation estivale qui s'appelait les Vespérales. Chaque mercredi de juillet / août la municipalité proposait un concert allant du jazz au classique en passant par la chanson française. C'est ainsi que nous avons voulu proposer un volet "opéra". Ainsi m'est venue l'idée de proposer les Festiv'Vespérales avec le volet Festiv'Opéra.

Cyril Rovery : Au départ, l’occasion s’est présentée pour un concert totalement improvisé début septembre 2021. J’étais en répétition pour Guillaume Tell à l’opéra de Marseille et j’ai répondu présent, car j’ai une passion pour le lyrique hors des murs depuis toujours.

Puis, j’ai gardé à la suite de ce premier rdv au milieu des pins de l’actuel théâtre de Verdure, à l'époque pas encore construit, des liens étroits avec l’élue à la culture Marie-Laure Walther et le jeune maire Maxime Marchand. Nous avons décidé ensuite de faire la première réelle édition 2022. L’Élixir d’amour et nos deux concerts ont été un franc succès avec plus de 1500 personnes réunis dans le public.

 

Pouvez-vous nous le présenter et nous indiquer les évolutions du festival depuis ses débuts ?

Barbara : Le festival est encore tout jeune, puisque nous fêtons cette année la deuxième édition. Nous avons trois objectifs : le premier est d'offrir des spectacles lyriques totalement gratuits et de grande qualité, le second est de procurer du travail à de jeunes artistes régionaux en voie de professionnalisation a qui nous faisons confiance en leur attribuant des prises de rôle, le troisième enfin est de créer un tissu associatif avec les nombreux bénévoles de Sausset les Pins que je profite ici de remercier chaleureusement.

La première grande évolution est celle de la construction du théâtre de verdure. Effectivement depuis cette année nous possédons une véritable scène de 80 mètres carrés ainsi que des gradins pour pouvoir accueillir le public. Nous constatons déjà une belle affluence des spectateurs qui viennent de plus en plus nombreux.

Deuxièmement, cette année nous faisons appel au mécénat en passant par des dons défiscalisés. La municipalité très investie dans ce festival est certes notre premier soutien financier, mais nous devons nous mobiliser pour obtenir plus de fond et ainsi développer notre festival.

 

Cyril : Tout d’abord un nouveau théâtre de verdure tout fraîchement construit et une volonté franche et déterminée de la municipalité d’augmenter notre budget au bénéfice de Festiv’Opéra, toujours dans le cadre des festivités d’été des vespérales de Sausset-les-Pins.

Même si l’effort de la mairie fut important, il demeure pour le moment insuffisant et encore fragile pour le fonctionnement du festival et de nos programmations. Voilà entre autres pourquoi ces derniers mois nous avons fait des appels aux dons si intenses.

Mais ce que je peux vous affirmer, c’est que l’effort de Sausset-les-Pins pour que l’édition 2023 entièrement consacrée à Mozart voit le jour, est un vrai investissement au regard d’un tout petit budget culture de la ville.

 

Cette année, le festival a présenté un concert d’airs de Mozart, puis deux représentations de Don Giovanni, toujours de Mozart. Comment ce thème s’est-il imposé ?

Barbara : L'an dernier nous avons présenté l'Élixir d'amour, il s'agissait d'un opéra très frais avec beaucoup d'humour. Cette année nous avons voulu mettre à l'honneur un compositeur qui est sans doute le plus connu de tous par le public : Mozart. Le gros défi était de monter l'Opéra Don Giovanni en utilisant les textes de Molière à la place des récitatifs de Da Ponte. C'est là où Cyril a effectué un travail remarquable pour insérer à la fois les textes de Molière mais aussi de réécriture et d’adaptation de scènes avec par exemple, les expressions provençales entre Zerline et Masetto.

 

Cyril : La première question que nous nous sommes posé avec Barbara c’est, comment faire autant émouvant, frais et original au niveau musical que théâtral par rapport à l’année dernière ? Comment faire en sorte de redonner au public toutes les promesses de l’émotion et de l’humour sur scène comme nous l’avions fait l’année dernière ? Voilà ce qui a déterminé notre choix.

 

Quels sont les rôles de chacun, comment organisez-vous mutuellement votre travail ?

Barbara : Nous sommes à vrai dire partout à la fois. Cyril s'occupe de la mise en scène, la réécriture, la conception des vidéos, pour la scène. De mon côté je me charge de ce qui est un peu plus administratif, je réalise les teasers, les affiches, la cagnotte des dons et nous confrontons nos idées pour mieux avancer notamment en termes de communication et faire les bons choix stratégiques.

 

Cyril : Qui peut mieux servir les artistes, que les artistes eux-mêmes ? Nous fonctionnons comme une espèce de coopérative artistique, qui mutualise les compétences et savoir-faire de chacun. Ce que les gens ne savent pas souvent, et je peux en témoigner depuis mes longues années de carrière, c’est qu’entre nous Artistes, nous sommes souvent à nous interroger sur les conditions de notre travail au sein du monde de l’opéra, des gens qui nous dirigent, que ce soit à la direction artistique, la direction Musicale et à la direction théâtrale, et que dans le privé entre nous, nous sommes bien naturellement souvent critiques envers nos dirigeants, à tort ou à raison, bien entendu… Ce qui nous motive avec Barbara, ainsi qu'avec tous les artistes qui se succèdent auprès de nous, c’est le côté « FAIT MAISON », notre propre cuisine, notre propre entreprise, notre propre responsabilité et que si à la fin, les choses se passent plus ou moins bien, nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes ou bien nous en enorgueillir, voilà tout. 

Donc nous sommes partout à la direction artistique comme à la communication et cela représente un travail hors des normes habituelles, mais c’est notre bonheur et notre satisfaction.

 

Quelles spécificités personnelles souhaitiez-vous apporter au festival ?

Barbara : Je souhaite avant tout qu'on puisse continuer à tenir nos engagements envers le public et les artistes sur le long terme.

Nous souhaiterions également avoir plus de moyens financiers pour évoluer en termes de mise en scène et proposer de la vidéo projection, des lumières ou autres effets de plus grande ampleur. Nous aimerions aller vers des opéras de plus en plus spectaculaires.

 

Cyril : Festiv’Opera s’inscrit dans trois grandes ambitions culturelles et artistiques que notre association et la municipalité de Sausset les Pins partagent :

 1 - Une ouverture culturelle et artistique grâce à un décloisonnement social vers un large public, en offrant notamment l’accès gratuit à nos spectacles.

 2 – L’occasion d’une formation in-situ et la perspective d’insertion professionnelle pour les plus jeunes artistes engagés chez nous.

3 - Un renouveau des publics avec l’accueil gratuit de familles entières lors de nos spectacles lyriques qui se veulent fédérateurs, éducatifs et accessibles à tous. Pas de séparations culturelles mais bien au contraire, un objectif de lien social fort.

Ce Don Giovanni que nous avons mis en scène cet été, a également comme but d’abolir la barrière des langues. Notre volonté fût de créer l’union du Don Giovanni de Mozart et du Don Juan de Molière. 

 Ce défi nous l’avons tenu avec nos talentueux artistes et le public de Festiv’Opéra qui a déjà réunis avec le concert Mozart du 12 juillet, 550 spectateurs et pour la première de Don Giovanni près de 900 spectateurs. En attendant l’ultime représentation le mercredi 30 août à 20h30.

 

 

Pouvez-vous nous dévoiler comment se construit dans l’année un tel projet ?

Barbara : Le projet "se pense" déjà sur une année. C'est-à-dire qu'une fois l'édition terminée nous devons faire le point et d'ores et déjà préparer la saison prochaine. La programmation, les dates, la recherche de financement, la recherche d'artistes, planifier les répétitions, penser le plan de communication, élaboration des affiches et autres publicités… C'est beaucoup de travail au quotidien c'est pourquoi il est important de bien se préparer en amont et se recentrer sur l'essentiel au moment des représentations.

 

Quels sont pour vous les enjeux artistiques ?

Barbara : Festiv'Opéra s’inscrit dans trois grandes ambitions culturelles et artistiques que la municipalité de Sausset les Pins et notre association partagent :

 1 - Une ouverture culturelle et artistique grâce à un décloisonnement social vers un large public, en offrant notamment l’accès gratuit à nos spectacles.

 2 – L’occasion d’une formation in-situ et la perspective d’insertion professionnelle pour les plus jeunes artistes engagés chez nous.

3 - Un renouveau des publics avec l’accueil gratuit de familles entières lors de nos spectacles lyriques qui se veulent fédérateurs, éducatifs et accessibles à tous. Pas de séparations culturelles, mais bien au contraire, un objectif de lien social fort.

 

Vous êtes à la fois à la direction et à l’interprétation et vous Cyril, en plus, à la mise en scène, quel est le côté qui vous donne le plus de satisfactions ?

Barbara : Je dois avouer que depuis que je suis à la direction du festival j'éprouve énormément de plaisir à voir la joie des spectateurs, mais aussi de mes collègues artistes à qui nous leur confions souvent une prise de rôle. C'est une vraie consécration pour Cyril et moi. Nous y mettons tellement de cœur qu'une fois le travail abouti nous ne pouvons contenir notre joie.

Une fois sur scène, je laisse place à ce plaisir d'interprétation et de musicalité avec mes collègues. Là aussi le travail de préparation d'un rôle est conséquent et il faut savoir se reconcentrer et se recanaliser sur son rôle.

 

Cyril : La passion et la dévotion pour le public et pour mes collègues artistes principalement. Et puis également ce dont je témoigne sur cet aspect « fait maison », la création d’un point A jusqu’à notre point Z, Barbara et moi. C’est capital dans l’approche artistique comme dans l’amour que j’ai pour mon métier comme pour les œuvres lyriques et théâtrales que j’aime infiniment.

 

L’an dernier, le succès du festival fut très important, plus de 550 spectateurs à chaque soirée pour une ville de presque 8000 habitants. Cette année ce sera encore plus fort, puisque près de 900 personnes ont déjà assisté à la première de Don Giovanni, quelles sont vos ambitions pour Festiv’Opéra ?

 

Barbara : Tout d'abord nous souhaitons proposer plus de dates au public car vous comprenez bien que monter un opéra pour le produire une fois, ou deux c'est un peu frustrant étant donné le travail qu'il y a derrière. De plus, nous avons atteint la jauge maximale lors de notre premier Don Giovanni, malheureusement certaines personnes ont dû faire demi-tour par manque de place. Ainsi nous pourrions accueillir tous nos spectateurs et ça serait une vraie attraction artistique pour la ville de Sausset-les-Pins.

 

Amener l’opéra hors les murs est une évolution nous semble-t-il souhaitable. On le voit, la crise que subissent les grandes maisons lyriques doit vite trouver des solutions, des festivals comme celui de Sausset, avec des formats plus accessibles, peuvent-ils être des débuts de réponse en amenant par exemple un public différent vers cet art ?

 

Barbara : Malheureusement nous souffrons trop de cette étiquette "élitiste" que les médias et la population pensent de l'opéra en général. Pourtant… Quand je regarde le prix d'un billet de concert pour Beyoncé ou Mylène Farmer je me demande ce qui est élitiste …

Qu'à cela ne tienne, je suis totalement convaincue que notre devoir est de proposer l'opéra sous des formats adaptés à des fins pédagogiques de manière à captiver tous les publics.

Nous pouvons proposer des opéras avec des mises en scènes "fun" et dans l'air du temps. Ce n'est pas incompatible. Réunir émotion et humour sont sans doute l'une des attentes du public d'aujourd'hui.

Par ailleurs, nous avons pu constater la diversité du public à Sausset : familles nombreuses avec enfants, public à mobilité réduite où l'accès au théâtre de verdure se fait simplement. Ce dont il faut tenir compte, c'est que le festival est une entreprise culturelle et attractive pour l'économie locale. Effectivement nous avons de plus en plus de personnes qui viennent de loin pour nous écouter.

 

Cyril : Comme l’année dernière avec la mise en scène de l’Élixir d’amour « ou des textes en français mais cette fois totalement écrits par moi entre les ensembles musicaux », le Don Giovanni que nous vous proposons, est présenté dans une version inédite, liant tout à la fois l'œuvre de Mozart et celle de Molière. En effet, les récitatifs du livret original de Lorenzo da Ponte sont ici remplacés par de larges extraits aménagés de la pièce de théâtre de Don Juan de Molière. Cette approche scrupuleuse et originale est motivée par la perspective pédagogique de décloisonnement des arts et de la culture.

L’œuvre présentée se veut intellectuellement et financièrement accessible à tous. La gratuité pour les spectateurs complète nos engagements dans ce sens.

 

 

 

 

 

 

 

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