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lyrica-massilia

Don Quichotte de Massenet. Une œuvre qui manque de folie

22 Mars 2024 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot Publié dans #Opéra de Marseille

Photo © Christian Dresse

 

Autant le dire, ce Don Quichotte n’est pas le meilleur opéra de Jules Massenet. Le premier acte est même assez ennuyeux. Certes, l’intérêt musical va croissant, jusqu’à l’acmé finale (notre photo), mais la partition manque singulièrement de mélodies et d’une orchestration prenante. Les espagnolades du compositeur et même le premier air de Don Quichotte : « Quand apparaissent les étoiles » ne prennent pas. En ne s’inspirant pas directement de Cervantès, Henri Cain a sans aucun doute perdu beaucoup du sel de son chef d’œuvre.

D’entrée, les chœurs, fort bien préparés par Florent Mayet, entrent en jeu au sein même de la vraie-fausse ouverture. Ils fonctionneront à l’antique, à la fois avec l’ensemble et avec un petit groupe de chanteurs (Camille Tresmontant, Jean-Frédéric Cornille, Laurence Janot et Marie Kalinine), très vivace et vocalement impeccable, pour déployer le discours dont certains passages sont parlés.

L’orchestre,  placé sous la direction de Gaspard Brécourt a donné le meilleur de lui-même, disposé, soit dit au passage d’une manière légèrement différente qu’à l’habitude. Lorsque la partition le permettait, il a permis de construire les rares moments d’émotion, surtout sur ce final de l’œuvre dont on a dit qu’il aurait fait pleurer Chaliapine, pour qui le rôle avait été créé. La première française de cet opéra eut lieu à Marseille en décembre 1910.

Fruit d’une coproduction avec les Opéras de Tours et de Saint Etienne, la mise en scène de Louis Désiré, habitué des lieux, les décors et costumes de Diégo Méndez Casariego et les lumières de Patric Méeüs ont fort bien fonctionné, en déterminant à la fois un monde réel et un univers fantasmé, tel qu’il est supposé se situer dans la tête d’un être fou, mais attachant,  et même sublime, comme le  chantera Dulcinée.

Impeccable du point de vue dramatique, campant un paranoïaque au grand cœur, Nicolas Courjal manque cependant, malgré son beau timbre de basse, d’une puissance suffisante pour tenir vocalement à tout instant le rôle titre, l’un des rares à être confié à cette tessiture. Cela est d’autant plus audible que son Sancho Pansa, le baryton Marc Barrad, nous a gratifiés d’une prestation hors norme et a été ovationné par un public, assez discret par ailleurs, autant dire pas emballé par l’œuvre. Cet artiste a dominé la distribution. Nicolas Courjal a cependant magnifiquement interprété la prière « Seigneur,  reçois mon âme », l’un des plus beaux moments de cet opéra dont le librettiste tire parfois son héros vers une sorte de réincarnation du Christ. « Un esprit Saint Sulpicien », écrit à juste raison, Olivier Bellamy dans le programme.

Quant à Héloïse Mas, dont la Dulcinée doit attendre les deux tiers de l’œuvre pour être véritablement mise en valeur, malgré le rêve du premier acte « Quand la femme a vingt ans », elle est une excellente mezzo-colorature, même si, parfois, nous aurions attendu davantage d’expressivité, sous une virtuosité qui est cependant sans faille. Dramatiquement, la chanteuse est excellente dans son rôle de courtisane, où elle évite la moindre vulgarité. 

On ne reprochera sûrement pas à Maurice Xiberras de nous proposer des œuvres moins connues que certaines qu’on dit incontournables. Cela nous valut et pas plus tard qu’au début de saison avec l’Africaine de Meyerbeer, ou un peu plus avant, l’Attila de Vedi ou la Reine de Saba de Gounod, de très grands moments lyriques. Ils reviendront.

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