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Champagne pour les fêtes et la veuve

5 Janvier 2024 , Rédigé par Jean-Marie Cabot Publié dans #Opéra de Marseille

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Opéra Marseille Vienne Veuve joyeuse
Photo © Christian Dresse

C’est à une Veuve Joyeuse de gala que nous a conviés l’opéra de Marseille pour ces fêtes.

Nous le savons tous, le spectacle musical vivant, traverse une grave crise financière qui oblige les directeurs de théâtre à bien des circonvolutions. Pour ces cinq représentations, c’est grâce à une production de l’opéra de St Étienne, que nous avons pu assister à cette opérette de Franz Lehar, créée à Vienne en 1905 sur un livret de Viktor Léon et Léo Stein adapté d’une comédie de Henri Meilhac.

Missa Palmieri vient d’hériter au décès de son mari, de la somme colossale de 100 milliards de dollars, ce qui en fait la première femme au monde à posséder une telle fortune et non pas, n’en déplaise aux journalistes d’aujourd’hui, Mme Bettencourt Meyers… Si une toute petite partie de cet argent ferait le bonheur de bien des directions théâtrales ou d’autres d’ailleurs, mais ceci est certainement un autre sujet, elle met en émoi la petite principauté de Marsovie. Il faut ainsi absolument éviter à la riche héritière de se marier à un étranger pour empêcher l’éventuelle fuite de ces capitaux et mettre ainsi à mal l’équilibre du petit état… Popoff, l’ambassadeur de Marsovie à Paris, ignorant qu’il fut il y a bien longtemps son amoureux, imagine alors le Prince Danilo en époux. Mais ce dernier refuse, préférant éloigner les prétendants de la jolie légataire…

Les décors de la scène marseillaise, signés Jérôme Bourdin, sont dépouillés et très sobres, réduits au premier acte à de jolies tentures bleues que des multitudes de fleurs viendront agrémenter par la suite. Quelques chaises et bancs s’ajouteront au dernier acte pour formaliser le cabaret « chez Maxim’s ». Les lumières, de Michel Theuil, soulignaient avec distinction le dépouillement de l’ensemble. Sur la scène, un cœur percé de multiples flèches symbolisait les pointes du désir décochées par tout ce joli monde, un autre formidable cœur de lumière, quant à lui, illuminant avec faste à l’entracte, l’immense rideau rouge du théâtre. Les costumes, également de Jérôme Bourdin, superbes et magnifique, apportaient leur écot chic, joyeux et cocasse à l’ensemble, situant chaque personnage où il le devait et contrastant avec la sobriété voulue des décors. La mise en scène était assurée par Jean Louis Pichon, réalisée ici par Jean Christophe Mast. Précise et minutieuse, elle se jouait des difficultés à déplacer les nombreux artistes, chanteurs, chœur et danseurs sur l’espace scénique. Esthétique, elle donnait un côté fastueux et sans ostentation à cette œuvre drôle et populaire, sans jamais sombrer dans la trivialité.

L’opérette viennoise ne serait pas tout à fait ce qu’elle est, sans les jolies valses, mazurkas, cancans et autres que l’orchestre entamait avec brio et élégance dès l’ouverture. C’est Didier Benetti qui en assurait la direction. Fin connaisseur de l’œuvre, il dirigeait de sa gestique ample et précise la représentation, donnant à l’ensemble le rythme, l’aisance et l’harmonie, soulignant les instants mélancoliques et joyeux, pour accompagner une distribution de premier ordre.

 

Photo © Christian Dresse

Anne Catherine Gillet endosse le rôle de Missa Palmieri. Très élégante et chic dans son costume de riche héritière orchestrant le bal de ses prétendants, sans jamais renier son amour pour Danilo, la soprano belge rayonne, étincelle tout le long du spectacle, dépeignant avec charme et délicatesse un personnage riche d’amour et de sentiments. Sa voix éclate, ses aigus déchirants, clairs et puissants font passer des frissons de plaisir à un public conquis, son joli timbre souple, son vibrato sensible et coloré avec en apothéose au deuxième acte, l’air de Vilya ou encore le très célèbre duo avec Danilo, Heure exquise, signent une très grande prestation.

Regis Mengus en Prince Danilo n’est pas en reste dans un rôle qu’il connaît bien. Ancien amoureux de Missia, il utilise toutes les ruses en son pouvoir pour résister à ses avances, jusqu’au moment où, dévoré de jalousie, il tombe dans ses bras, dévoilant par-delà un tempérament artistique précieux indiscutable. Dans un rôle taillé sur mesure pour un baryton-martin, Regis Mengus déploie une voix souple et assurée, aux aigus précis et à la diction très claire, pour délivrer une prestation de haute tenue. Popoff, ambassadeur de Marsovie à Paris s’il n’a pas le rôle principal, est toutefois la colonne vertébrale de l’œuvre. Orchestrant l’intrigue, sa présence est primordiale. Marc Barrard, en baron un peu ridicule, l’assume avec beaucoup de prestance, donnant le ton avec humour, paternalisme ou autorité, dictant de sa belle voix de basse la gravité de la situation ou, au contraire, en mari trompé, la polissonnerie des circonstances. Son épouse, Nadia, est interprétée par la superbe Perrine Madoeuf. Se déclarant honnête femme, bien plus aguicheuse qu’elle veut bien le prétendre, son marivaudage avec Camille de Coutançon vaudra le quiproquo qui dénouera l’intrigue de l’opérette. Très à l’aise sur la scène marseillaise, elle délivre à l’envi ses airs lascifs et mutins. Il y a plein de charme dans ses sourires et expressions, au moins autant que dans sa très jolie voix aux aigus amples et ciselés… Camille (Leo Vermot Desroches) qui lui fait une cour assidue est un très joli ténor, émouvant, au vibrato exquis. Figg est l’inénarrable Jean Claude Calon, irrésistible de drôlerie, D’Estillac, Mathieu Lecroart et Lérida, Alfred Bironien à l’accent espagnol remarqué, ajoutent leurs belles voix à l’ensemble formant avec Kromski (jean Michel Muscat), Bogdanovitch (jean Luc Epitalon) et Pritschitch (Cédric Brignone) une partie du fameux septuor Ah les femmes, femmes, femmes, aussi entraînant que provocateur dans une misogynie qu’il faudrait certainement remettre en perspective… Olga Bogdanovitch (Simone Burles) un brin lubrique, Preiskovia (Elena Le Fur) et les grisettes (Miriam Rosado, Francesca Cavagna, Alina Synelnykova) complètent le très riche plateau.

Photo © Christian Dresse

Le chœur de l’opéra de Marseille conduit par Florent Mayet était comme toujours, parfait, quant aux chorégraphies signées Laurence Fanon, elles ont enthousiasmé le public de l’opéra, notamment dans le cancan final, au rythme endiablé pour des danseurs, véritables athlètes de cet art… on regrettera tout de même de ne pas voir figurer leurs noms dans le livret fourni à chaque spectateur…

 

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