Joséphine la cantatrice, ou le peuple des souris. Franz Kafka
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C’est le dernier texte de Kafka, écrit juste avant sa mort, en 1924. Si nous en parlons ici c’est que lecture en sera faite en Octobre dans le cadre d’un des événements du festival Musiques interdites qui se tiendra en octobre à Marseille.
Traduite par Olivier Mannoni, cette nouvelle bénéficie dans l’édition Payot de 2019 d’une belle introduction de Sarah Chiche qui nous offre un véritable monument d’exégèse. L’œuvre a été plusieurs fois adaptée au théâtre. Ainsi en va-t-il des prophètes, ils génèrent des tonnes de commentaires.
Avec un humour noir qui n’étonnera pas les lectrices et lecteurs du grand écrivain Juif et germanophone de Prague, il est question dans ce texte d’une cantatrice qui chante, peut-être faux, à moins qu’elle ne fasse que siffler. En filigrane, le statut social de l’artiste est interrogé par Kafka, mais aussi et surtout la question de l’oubli, dans un peuple de souris qui ne pratique pas l’histoire.
Cette Joséphine est en fait pour nous - risquons aussi notre commentaire - une sorte de grande prêtresse, parabole d’une religion consolatrice en pays dictatorial, un peuple sans école, trop jeune et en même temps trop vieux, la cantatrice rongeuse incarnant une autorité alternative qui finit par disparaître, installant du coup le grand désenchantement.
Ainsi s’achève la nouvelle : « Peut-être ne perdrons-nous pas grand-chose du tout, mais Joséphine, libérée du fléau terrestre qui, de son point de vue est réservé aux élus, se perdra joyeusement dans la foule innombrable des héros de notre peuple et bientôt, comme nous ne pratiquons pas l’histoire, sera oubliée, comme tous ses frères, dans un niveau supérieur de la délivrance ». Comprenne qui pourra, mais cette langue est en soi une musique.
Si Kafka était sensible à la musique, il n’a jamais songé à l’opéra. Bien après sa mort, plusieurs compositeurs se sont attaqués à une adaptation de ses œuvres. En 2020, Brice Pauset a répondu à une commande de l’opéra de Dijon à partir du triptyque formé par le Verdict, La métamorphose et Dans la colonie pénitentiaire. En 2011, Mikael Levinas avait composé pour l’opéra de Lille une œuvre tirée de Métamorphoses.
Les œuvres de Kafka, interdites en leur temps, considérées comme dégénérées seront bien à leur place à côté de celles de Gustave Mahler, plus vieux que Kafka et lui aussi classé par les nazis comme dégénéré, mais qui aura su se dégager du pessimisme. Franz aurait-il pu entendre une symphonie de Gustav ? On ne le saura sans doute jamais.