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Werther à l’opéra. Du romantisme en demi-teinte

17 Mars 2022 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot Publié dans #Opéra de Marseille

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Même si bien des esprits étaient tournés vers l’opéra de Kiev, les sourires étaient de mise avant la première de Werther, mardi soir à l’Opéra de Marseille.  Avec un grand classique, l’une des œuvres les plus jouées, on allait se régaler. Mais les sourires se sont un peu crispés ensuite.

En effet, la représentation nous aura laissé sur notre faim. Certes, nous y reviendrons,  trois artistes ont parfaitement assuré leur rôle dans cette œuvre où les « tubes » ne manquent pas : Antoinette Dennefeld en Charlotte, soprano toute de charme et de puissance, Thomas Bettinger en Werther fragile, puis tragique, et Marc Scoffoni en Albert impérial.

 

Photo Christian Dress

 

Commençons par l’œuvre, créée en 1887 et refusée par le directeur de la salle Favard, Léon Carvalho, qui la trouvait « triste et sans intérêt », avant que d’être ovationnée en 1892, à Vienne, puis à Paris. Werther relève d’un romantisme tardif. Songeons que la Walkyrie date de 1870 et Pelléas et Mélisande de 1893 et nous ne reviendrons pas une fois de plus sur Berlioz. Le style est hésitant et on s’ennuie fermement dans les deux premiers actes, avant que la partition ne  se mette à dégager de l’émotion dans la deuxième partie.

Massenet qui n’aimait pas, sauf rares exceptions, traiter de sujets qui lui étaient contemporains, a fait appel à trois librettistes (Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann) pour adapter péniblement les Souffrances du jeune Werther que Goethe avait écrites en 1774. Mais mieux aurait valu situer l’action à la fin du XIXème siècle, dans cette ambiance bourgeoise au catholicisme pesant, plutôt que d’habiller les personnages en petits marquis et marquises et les mettre dans un décor aristocratique du XVIIIème, comme s’il s’agissait des Liaisons dangereuses de Laclos.

La mise en scène de Bruno Davella et les décors de Leslie Travers, créés à Nancy, auraient mérité davantage d’imagination, le rideau de scène, particulièrement terne et évoquant bizarrement la nature, annonçant déjà la couleur. Nous sommes, jusqu’au tilleul du cimetière de la scène finale, dans un premier degré qui ne nous aide pas à décoller.

Concernant la distribution, nous n’aurons eu en revanche qu’à féliciter les artistes.  Vocalement, comme dramatiquement, Antoinette  Dennefeld  nous a offert une magnifique prestation, en amoureuse libre, puis corsetée, rendue à son désir dans l’ambiance tragique du final. Le ténor Thomas Beffinger, à qui il ne manquait aucun aigu flamboyant, nous est apparu prendre de l’assurance au fil de l’œuvre. Quelque peu raide dramatiquement et vocalement au début, il est apparu très à l’aise ensuite, assurant des pianissimi très délicats et soutenant superbement le très attendu « Pourquoi me réveiller » du troisième acte, particulièrement difficile à interpréter. Doté d’aigus impressionnants, le baryton Marc Scoffoni fut un remarquable mari triomphant, puis déçu.

L’orchestre de l’opéra de Marseille aura fait son possible sous la baguette du jeune chef  Victorien Vanoosten. Quant au  reste de la distribution,  il n’aura pas démérité, enfants  de la maîtrise des Bouches du Rhône compris auxquels, hélas pour eux, Massenet n’aura laissé que des banalités à chanter (« Noël, Noël »). Citons Ludivine Gombert (Sophie), Emile Bernou (Kätchen), Maïté Estorez (la gouvernante), Marc Barrad (le Bailli), Jean-Marie Delpas (Johann), Marc Larcher (Schmidt), Cédric Brignone (Brühlman) qui eux aussi eurent pas mal de platitudes à proférer.

 

Photo Christian Dress

 

En résumé, même si en l’occurrence comparaison ne vaut pas raison, nous sommes loin avec ce Werther du plaisir esthétique que nous aura offert il y a peu la Walkyrie. Il reste trois représentations : jeudi 17 mars à 20 heures, dimanche 20 mars à 14h30 et mardi 22 mars à 20 heures.

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