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L’Enfer est peuplé de bonnes intentions... La Divine Comédie à Saint Victor

25 Mars 2022 , Rédigé par Jean-Marie Cabot

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Nous nous demandions, bien avant d’assister au spectacle de ce dimanche 20 mars, comment il était possible de retranscrire sur scène la puissance et la portée spirituelle du poème de Dante. Pensez donc, ce monument de la littérature médiévale, cent chants pour trois cantiques (Enfer, Purgatoire et Paradis) tous en vers hendécasyllabes (onze syllabes) dont chaque strophe de trois vers est écrite selon la Terzina Dantesca : le premier rime avec le troisième, le second avec le premier de la strophe suivante et ainsi de suite jusqu’à la fin du chant terminé par un seul et unique vers… la symbolique est forte et considérable, le chiffre 3 pour notamment la Trinité, le chiffre 33 pour l’âge du Christ (chaque strophe comporte 33 pieds, chaque cantique 33 chants) ou encore le chiffre 100 (3 cantiques de 33 chants et 1 chant initial) pour la béatitude céleste.

Comment évoquer sur une scène de théâtre cette architecture de l’au-delà, l’Enfer et ses cercles, le Purgatoire concept alors nouveau pour le catholicisme et les ciels du Paradis, quand Dante en fait une description aussi apocalyptique et sublime. Il faut donc chaleureusement féliciter tous les acteurs de cette mémorable représentation pour avoir su aussi bien restituer l’ambiance de l’œuvre. La mise en scène et la direction de Frédéric Rantières et Aurélie Zygel d’une sobriété et d’une précision impeccables, provoquaient l’enchantement, les costumes de Claire Malbos dans lesquels comédiens et chanteurs, drapés dans cette cuculle grise, évoquaient les ombres que deviennent les défunts, la position de chacun des acteurs disséminés au travers des bas-côtés, leurs voix qui surgissaient, profondes, caverneuses et qui se répondaient, les chants s’entremêlant et s’enchaînant alors comme les vers que le poète florentin écrivit en langue vernaculaire.

Dante, le narrateur qui peinait, souffrant parfois à suivre Virgile, son guide, dans l’allée centrale de la nef au travers ce voyage initiatique, tout concourrait à plonger le public venu nombreux, dans cette époque où guelfes et gibelins s’entredéchiraient au nom du pape et de l’empereur. Dès lors, bien entendu, organiser un tel spectacle dans un lieu autant chargé de valeurs sacrées que l’abbaye de St Victor, permettait aux spectateurs, la porte franchie, de pénétrer et d’approcher l’atmosphère si particulière de l’œuvre. Les sons et percussions de Jean-Marc Lecomte, prenants et poignants, distillés dans les quatre coins de l’église accentuaient le climat, tout comme les ombres projetées sur l’écran au bord de la scène, la musique, les chants liturgiques exécutés merveilleusement par les chœurs,  un seul instrument (joué par Lorraine Brosse), une vielle dissimulée quelque part dans l’abbaye, transcendaient notre imaginaire pour nous permettre de rencontrer les personnages que Dante croisait aux détours de son voyage initiatique.

Nous sommes sortis de ce concert avec un seul regret, mais de taille cependant, l’acoustique et notamment la réverbération des voix les plus graves rendait quasi incompréhensibles les paroles que les personnages déclamaient, surtout quand ils se déplaçaient, dépassaient et tournaient le dos aux spectateurs. L’œuvre est magistrale mais ardue et suffisamment ésotérique pour ne pas rajouter de difficultés au public qui la découvrait.

Ce n’est hélas pas la première fois que nous retrouvons ce problème dans des concerts marseillais. On peut légitimement se demander à quoi servent les répétitions, si elles n’identifient pas pour tenter d’y remédier, ces questions de réception du son par le public...  pour nous en être enquis auprès de l’organisation, ces difficultés qui ne se posent pas pour les concerts, seront prises en compte dans la sélection des spectacles, l’enfer en sera effectivement moins pavé de bonnes intentions...

 

Vox in Rama est composé des chanteurs Caroline Bougy, mezzo-soprano, Fanny Constans soprano, Emmanuel Dupouët, baryton-basse, Laurent Mallet, baryton, et Caroline Sordia, mezzo-soprano sous la direction du ténor Frédéric Rantières. Il est accompagné de Lorraine Brosse, vielliste et de Jean-Marc Lecomte aux percussions ainsi que de l’équipe de comédiens, Guillaume Blanchard, Rémi Custey, Alice Derieux, Juliette Raynal, et Baudouin Sama Jackson.

 

 

 

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