Crier dans le désert
Crier pour s’occuper, occuper la Criée, et le Merlan, autre scène nationale. Cela va pour les artistes des théâtres clos, contre toute logique de distance interpersonnelle et qui ont fait preuve d’un incontestable courage. Quant aux musiciens, danseurs et autres métiers, ils étaient samedi sur le vieux port près de l’ombrelle, à tenter de faire hurler les passants. Violoniste, chanteuse, saxophoniste, ils cherchaient une forme à leur colère. Ils ont ensuite rejoint la manifestation qui protestait contre les atteintes aux libertés. Convergence des petites luttes…
Se dénuder? Il faisait un peu froid, malgré le soleil et la police des mœurs n’était pas loin. Jeunes pour la plupart, les artistes indignés étaient peu nombreux. Contester l’indifférence ne fait pas recette. Il est vrai que la précarisation de la culture ne touche pas encore tout le monde et le gros dos est une figure à la mode. Cela viendra hélas, si ce n’est commencé, lorsque les institutions verront leurs budgets se réduire comme peau de notre chagrin, soit par manque d’argent, soit par choix culturels politiques.
La fracture sociale entre artistes salariés et intermittents continue à se creuser. Dans la deuxième catégorie, une quantité impressionnante de personnes désabusées a déjà changé de travail. Le dégât social et culturel de cette période maudite promet d’être sérieux et la société aura permis au virus de choisir ses proies. Il restera les librairies et les disquaires, YouTube, la mise en ligne de prestations réduites et la nostalgie.