Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lyrica-massilia

Eugène Onéguine. Un romantisme russe tardif, mais réjouissant

18 Février 2020 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot

Abonnez-vous à Lyrica Massilia,c'est gratuit et ça fait du bien... 

 

Tout le monde n’en sera pas d’accord, mais Piotr Illich Tchaïkovski a plutôt loupé le tout début de son opéra célébrissime, avec un quatuor de femmes campagnard  quasi soporifique. Comme, de plus, le symbolisme d’une unicité de costumes uniformément blancs ou crémeux nous a largement échappé à ce moment inaugural, il nous aura fallu attendre la scène mythique de la lettre, pour que le ravissement commence et se poursuive sans nuance.

 

Dès lors, la partition accompagne l’évolution des sentiments contradictoires des personnages et l’oeuvre plonge dans un romantisme exacerbé que l’on peut considérer comme tardif, dans la mesure où il était passé de mode en Europe occidentale aux trois quarts du XIXème siècle. Comme on sait que le compositeur n’était pas remis en 1879 des souffrances d’un mariage malheureux qu’il s’était imposé pour cacher son homosexualité, on peut penser que la suite de ratages amoureux qui scandent l’opéra, résonne avec la biographie du compositeur. On peut aussi noter l’absence totale de critique sur la Russie tsariste de l’époque, ni l’impression de déliquescence que distillera plus tard Tchékhov.

 

Ce cadre étant posé, la Tatiana de Marie-Adeline Henri aura été parfaite, vocalement comme scéniquement, en soprano amoureuse déçue qui, au troisième acte, joue magnifiquement de la tension entre le désir et le devoir. Au reste, on ne pourra que féliciter l’ensemble de la distribution qui a soulevé l’enthousiasme du public. Cette transcription du roman en vers de Pouchkine, paru en 1833, fonctionne en effet à merveille.

 

Régis Mengus campe un Onéguine porteur de malheur, puis de mauvaise conscience. Ce baryton maîtrise tous les registres vocaux et dramatiques, comme d’ailleurs celui qu’il tuera en duel, ce jeune Lenski qu’interprète vaillamment le ténor Thomas Bettinger. La basse Nicolas Courjal, habitué de l’opéra de Marseille, a été ovationnée pour son incarnation du prince Gremine, que Tchaïkovski a doté d’un des plus beaux airs du répertoire lytique dédié à cette tessiture. La mezzo bucarestoise, Emanuela Pascu (Olga) s’en tire élégamment. Quant aux autres solistes, Doris Lamprecht (Madame Larina), Cécile Galois (Filipievna), Eric Huchet (Monsieur Triquet), Sévag Tachdjian (un capitaine), Jean-Marie Delpas (Zaretski) et Wilfried Tissot (un paysan), ils ont fait honneur à l’opéra de Marseille qui, décidément, soigne ses distributions jusque dans les détails.

 

 

Si l’on ajoute que tous ces chanteurs francophones, choristes compris, interprétaient leur rôle dans cette belle langue qu’est le russe, on ne peut que  souligner un niveau supplémentaire de performance.

 

Il en fut de même pour le chef Robert Tuohy, à la tête d’un orchestre de l’opéra en bonne forme, qui aura su monter en tension au cours des trois actes, jusqu’à la scène finale où Onéguine prend acte de sa défaite, après le refus de Tatiana d’abandonner son Prince.

 

Pour ce qui est de la mise en scène de cette coproduction de l’opéra national de Lorraine, d’Angers et de Marseille, Alain Garichot a choisi un minimalisme de bon aloi, qui respecte  l’ambiance originelle de cet opéra créé à Moscou en 1879. Notons que sa mise en scène date de 1997 et a depuis pas mal tourné.  Il est probable qu’il en aille de même pour les décors d’Elsa Pavanel, les costumes de Claude Masson et les lumières de Marc Delamézière qui nous plongent dans une Russie d’ancien régime. On pourrait peut-être souhaiter un certain renouvellement…

 

Un tel spectacle, aussi classique que soit cet opéra, nous amène un élément de variété, dans la mesure où les opéras russes ne sont pas très souvent invités à Marseille. Eugène Onéguine, probablement chanté en français pour cette création, mais cela serait à vérifier, à été créé à l’opéra de Marseille en 1965 et repris en 2004. Nous devrions avoir, secret de Polichinelle, le plaisir d’entendre la Dame de Pique du même compositeur en octobre prochain, pour une probable création marseillaise. Cet opéra fut créé en 1890 à Florence et toujours adaptée de Pouchkine, cette fois-ci d’une nouvelle écrite en 1834.

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article