Mr et Mme Denis, un dimanche à l’odéon.
34e édition des Dimanches d'Offenbach à l'Odéon : le public marseillais a pu encore une fois s'émerveiller devant le génie du compositeur - et devant l'intelligence de ce format épuré que Jean-Christophe Keck a perfectionné. La preuve éclatante qu'Offenbach brille même dépouillé de ses ornements, porté par l'essentiel : un piano, des voix, et beaucoup d'esprit, Jean-Christophe Keck à la direction musicale et à la présentation. C’est sobre et diablement efficace.
Ce dimanche c’est Mr et Mme Denis qui nous est présenté. Jean-Christophe Keck s’en est occupé avec talent, décortiquant le contexte historique de sa création avec force anecdotes, pour certaines désopilantes.
Un Opéra-comique en un acte créé en 1862 sur un livret de Laurencin et Michel Delaporte. Un vaudeville qui conte comment Gaston (un rôle travesti interprété par Aurélie Fargues) enlève du couvent sa fiancée Lucile (Julia Knecht) pour la cacher chez son oncle et sa tante, un couple âgé parti à la campagne.
C’est Nanette (Louise Pingeot), la chambrière, qui va les sauver de la garde et du sergent Bellerose (Charles Mesrines) lancés à leur poursuite. Son audacieux stratagème ? Les substituer à leurs parents grâce à un savant déploiement de perruques et d’imitations de voix chevrotantes – un moment qui déclencha l’hilarité générale.
Bien entendu, il s’agit d’opéra-comique, la musique est sophistiquée, vive, pleine de délicatesse. L’ouverture est brillante, entraînante et pourtant, pleine de douceur. Diego Mingola qui l’interprétait au piano a su merveilleusement en exprimer la sensibilité et les nuances. Jean-Christophe Keck prend soin de planter le décor par une description précise de l’ambiance, du lieu, de la situation... Et ça fonctionne à merveille, puisque l’espace tendu de noir du théâtre se transforme par la grâce de notre imaginaire, en un salon feutré du XVIIIe siècle.
Côté voix, Aurélie Fargues endossait le rôle de Gaston. Sa virtuosité vocale apportait un charme juvénile au personnage tout en insufflant une dose d’humour irrésistible à une opérette qui n’en manque pas. Son duo avec Lucile, interprétée par Julia Knecht, « Partir seul avec moi », fut un moment de pure complicité vocale, où se manifestait avec brio, l’agilité des deux artistes dans les aigus. Julia Knecht, une habituée de la scène marseillaise, a su captiver le public tout au long du spectacle, notamment lors de la Chaconne où ses aigus étaient scintillants, éblouissants. Dommage que parfois, sa diction pêchait par manque de clarté. Louise Pingeot campait Nanette, la chambrière. Très à l’aise sur scène, notamment lors des récitatifs pendant lesquels sa gestuelle faisait merveille, elle fut en tout point remarquable d’expressivité. Elle participa grandement à immerger les spectateurs dans l’imaginaire de ce spectacle. Clarté, puissance, projection, précision, que rajouter tant les compliments sur sa voix abondent… Avant le début du spectacle, quelques chanteurs ont interprété un air, pour offrir un premier aperçu de leur talent vocal. A cette occasion, Louise Pingeot (tout comme Julia Knecht) a impressionné le public avec la précision de ses suraigus dans un air extrait de « la bonne d’enfant », une autre opérette d’Offenbach.
Côté masculin, Charles Mesrines, dans le rôle du sergent Bellerose, a fait apprécier sa jolie voix nuancée et sa diction irréprochable. Accompagné de la garde, Dominique Desmons (Brindamour) et Nicolas Bercet (Jolicoeur), ils ont formé un trio irrésistiblement drôle, dont la complicité a pleinement porté le spectacle. Leur interaction vocale et scénique a ajouté une dimension comique supplémentaire, renforçant l’aspect léger et rejouissant de l’opérette. Inénarrables ronfleurs, ivres de Jurançon dans l’air « c’est la ronde qui partout veille », Dominique Desmons et Nicolas Bercet se sont révélés aussi drôles et complices que sympathiques et talentueux chanteurs.
Les dimanches d’Offenbach ont tenu toutes leurs promesses : la musique servie avec élégance, l’interprétation soignée, l’humour bien dosé et surtout, une belle harmonie entre tous les artistes.
Le public applaudissait chaleureusement et se voyait offrir en bis, un joyeux « chœur à boire ». Du Jurançon pour fêter tout ça…
Vivement la saison prochaine et les futurs épisodes de ces dimanches… un rendez-vous à ne pas manquer pour les amateurs d’Offenbach… et les autres…