Orfeo : une plongée en source pure
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Certes, il y eut quelques prolégomènes, mais c’est bien l’Orfeo de Claudio Monteverdi qui fit l’objet le 24 février 1607, sur un livret du poète Alessandro Striggio d’une première représentation à Mantoue, à l'Accademia degl'Invaghiti. Ce qui allait devenir le genre Opéra s’appelait encore una favola in musica. On s’accorde à penser que l’Eurydice de Jacopo Peri créé à Florence en 1600 serait la première occurrence ce cette nouveauté.
Quoi qu’il en soit, le mythe d’Orphée restera à la mode jusqu’à Gluck et son célèbre Orphée et Eurydice de 1762 et, beaucoup plus tard l’Orphée aux enfers d’Offenbach (1874), sans omettre quelques œuvres d’aujourd’hui. On peut, sans exagération, le considérer comme inépuisable.
Avec quelques essais de retour aux partitions et aux techniques de jeu et de chant sensibles dès les années 1920 (interprétation dite historiquement informée), c’est au début des années 1960 que les baroqueux commencèrent à étonner le monde musical, d’une part en retrouvant des chefs d’œuvre oubliés, d’autre part en interprétant Vivaldi ou Bach comme jamais nous ne les avions entendus.
Orfeo, l’un des grands chefs-d’œuvre du baroque, relève d’une médiation métaphysique en même temps que mythologique sur le combat entre l’amour et la mort, dont Monteverdi s’est emparé de main de grand maître.
Jean-Marc Aymes, qui dirige l’ensemble de son clavecin, connait mieux que personne ce répertoire. C’est au croisement de la saison lyrique marseillaise, dite du centenaire, et du festival Mars en baroque qu’il a fondé en 2002, que nous avons pu apprécier une superbe, et hélas unique, représentation de cet Orfeo, le dimanche de 2 mars, à l’opéra de Marseille. Haymes dirigeait les seize instrumentistes de son excellent ensemble Concerto Soave, les solistes et les chœurs de l’Opéra.
Nous sommes sortis du spectacle avec un sentiment de grande cohérence des parties instrumentales et vocales, de la mise en espace, des costumes, des lumières, en une sorte de travail ciselé d’une troupe d’élite.
Il est intéressant de voir dans cet ensemble ce moment charnière où les différentes sortes de Luth et les trompettes baroques sans piston, tambour et castagnettes, coexistent avec des violoncelles et une contrebasse. Les violes de gambe avaient commencé à passer de mode.
L’emploi écrasant du personnage d’Orfeo, présent tout au long des cinq actes, constituait une prise de rôle pour le baryton Romain Bockler. Ce fut une belle réussite pour celui qui codirige désormais ce festival. Il est doté d’une technique irréprochable, indispensable pour une partition pleine d’appoggiatures et d’une belle présence scénique.
Nous ne pouvons que citer avec éloges les autres rôles à qui Monteverdi a confié à la fois des passages solistes et des parties chorales à effectif variable : Maria Chiara Gallo, la Messaggiera, mezzo soprano ; Eurydice, Louise Thomas, soprano; Proserpina, Julie Vercauteren, soprano ; Plutone, Alexander Baldo, basse ; Caronte, Jean-Manuel Candenot, basse; Apollo, Imanol Iraola, baryton ; Musica, Lise Viricel, soprano ; Ninfa, Gabrielle Varbetian, soprano; Speranza, Logan Lopez-Gonzales, haute-contre ; pastore et spirito : Davy Cornillot, ténor et Olivier Coiffet, ténor ; Samuel Namotte, baryton ; pastore, Estelle Defalque, mezzo.
Certains des interprètes s’étaient déjà illustrés il y a deux ans dans la magnifique Daphné de Caldara (1719) dont nous avait gratifié Jean-Marc Haymes. Une partie du chœur de l’Opéra de Marseille, préparé par Florent Mayet aura su se mettre ce dimanche au diapason (un ton plus bas, histoire de la musique oblige). Orfeo se situe entre deux époques. Ecrit pour un public cultivé, il fonctionne aujourd’hui comme référence historique, ce qui lui donne un double intérêt esthétique et culturel, pourvu qu’il soit bien servi. Ce fut le cas et le public de l’Opéra, où le moindre fauteuil était occupé, ne s’y est pas trompé, qui a longuement applaudi les artistes que nous allons pouvoir suivre tout au long du Festival Mars en baroque qui se poursuit.