CARMEN AL-ANDALUS : un heureux mélange de cultures méditerranéennes
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Ce jeudi 6 mars 2025, la compagnie Opéra Eclaté a proposé, sur la scène de l’Odéon une adaptation à la fois singulière et puissante de la nouvelle de Prosper Mérimée associée à l’opéra de Georges Bizet, le tout sur fond de musique arabo-andalouse. Le public a été transporté pendant 1h35 dans un univers métissé où l’histoire d’une femme, Carmen, prête à mourir pour sa liberté prend une dimension mythique.
Le rideau s’ouvre sur un décor minimaliste, avec en fond, une simple toile peinte. Olivier Desbordes a opté pour une mise en scène où tout se passe au centre. Un rectangle se dessine avec une rangée de chaises latérales destinées à accueillir des chanteurs d’un côté et des chanteuses de l’autre. Au fond, une rangée accueille les musiciens de l’orchestre Mare Nostrum créé par le trio Fakir qui réunit des musiciens aux origines méditerranéennes diverses. Au fur et à mesure des actes, se devinent une place, une auberge, une montagne la nuit…. Le jeu des lumières tantôt chaudes, tantôt froides, tantôt sombres sous-tend les émotions et les sentiments des personnages principaux. Le public, comme intégré au spectacle, vient compléter le dernier côté de ce quadrilatère.
Un air de guitare espagnole résonne, auquel viennent se joindre une derbouka puis des claquements de main. Le spectacle commence. Garcia (Yassine Benameur), le mari de Carmen, pris en compte dans cette adaptation, entre en scène, se place au centre et, tel un conteur, se met à chanter en arabe. Malgré le barrage linguistique, on ne tarde pas à reconnaître des airs de l’opéra de Bizet, dont le célèbre « Toréador ». Notre ténor reviendra au début de l’acte III, où son rôle prendra tout son sens lorsque le public le découvrira enlacé dans les bras de Carmen tout en lui clamant son amour. Ces passages chantés en arabe et brillamment interprétés par Yassine Benameur souligne la particularité de cette adaptation.
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Après cette ouverture, place à Carmen ! Ahlima Mhamdi, aussi bien par son jeu théâtral que par son interprétation des chants, dévoile la personnalité de Carmen : drôle, sensuelle, provocante, enchanteresse voire ensorcelante. De sa voix de mezzo-soprano, elle module à la perfection le célèbre « L’amour est un oiseau rebelle ». Au fil des actes, les différents costumes qu’elle porte concourent à l’évolution du personnage. Au dernier acte apparaît une Carmen sûre d’elle coiffée d’un chignon à l’espagnole qui chante à son ancien amant « non je ne te cèderai pas », affirmant ainsi sa volonté d’être une femme libre et prête à mourir au nom de celle-ci.
Pris dans les mailles du filet de Carmen, le brigadier Don José (Jean-Francois Marras), réussit à subjuguer le public grâce à son interprétation profonde et touchante de « la fleur que tu m’avais jetée ». Les spectateurs n’ont pu s’empêcher de l’acclamer face à son émouvante déclaration d’amour. Il se montre tout aussi bouleversant dans son rôle d’amant jaloux et éploré prêt à tuer sa bien-aimée.
En second plan, soulignons les interventions chaudes et puissantes du lieutenant Zuniga (Omar Hassan), figure d’autorité qui s’oppose à Don José et qui forme avec Garcia, un trio, véritable entrave à la liberté d’une Carmen qui ne peut s’épanouir pleinement. La dimension tragique de cet absolu de liberté qui porte Carmen est contrebalancée par le jeu des personnages secondaires : les femmes affirment ensemble leur sororité et les hommes, leur fraternité, apportant par moments une touche de joie et d’humour à cet opéra ainsi revivifié.
On ne peut qu’encourager cette interprétation métissée qui réunit deux œuvres majeures dans le domaine artistique français et qui érige en mythe une héroïne intergénérationnelle.