Chostakovitch en majesté
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Nombreux sont les musiciens de l’orchestre symphonique de Marseille à être également d’excellents chambristes. La formation qui nous a offert une remarquable interprétation de deux œuvres majeures de Chostakovitch, samedi 18 janvier après midi, au foyer Reyer de l’Opéra en aura témoigné, s’il en était encore besoin. Elle aura mis en valeur cet immense artiste russe qui semble enfin accéder à une notoriété qu’il mérite amplement, un demi-siècle après sa disparition. Le fait que la salle ait été remplie à ras bord attestera s’il en était besoin qu’un public existe désormais à Marseille pour cette musique si profonde et dionysiaque à souhait.
Claude Costa, cheffe d’attaque des seconds violons de l’orchestre tenait la partie délicate du premier violon, son comparse Quentin Reymond le second. Antoine Berlioz, deuxième alto de la même phalange phocéenne, et Xavier Chatillon, premier violoncelle solo, complétaient le dispositif. Ce dernier aura, au surplus, brillamment assuré la présentation du concert et du compositeur. Même s’ils ne jouent que très rarement ensemble en pareil équipage, les musiciens donnaient, par leur complicité et leur aisance sonore l’impression qu’il s’agissait d’un quatuor blanchi sous le harnais.
Le quatuor à cordes n° 8 en ut mineur, op. 110, est sans nul doute à la fois le meilleur des quinze que composa Chostakovitch, le plus joué et, à notre humble avis, l’un des plus beaux qui ait jamais été écrits. Il n’en est pas moins difficile à interpréter. Un thème très simple revient ostinato, qui frappe encore plus fort que le destin chez Beethoven ou Mahler. La violence de l’écriture est à peine contenue dans cet opus écrit en 1961, la tension y est constante et cela sonna si bien ce samedi que l’on en fut subjugué.
Du quintette qui suivit, avec l’excellent Olivier Lechardeur au piano, composé vingt ans plus tôt (op. 57), le seul que Chostakovitch ait écrit, on n’osera dire qu’il est plus tranquille. La catastrophe avec laquelle le compositeur dut ruser toute sa vie est en effet bien présente et elle demande des coups d’archets d’une rudesse peu commune. L’écriture en est très savante, mais n’en semble pas moins couler de source impétueuse. Là aussi, l’ensemble fut fort bien réglé. Claude Costa dirigeait de fait cette œuvre attachante.
Donnée au final, la romance « From the Gadfly » est la page la plus célèbre de la bande originale composée en 1955 par Dimitri Chostakovitch pour le film Ovod (Le Taon) du réalisateur russe Alexander Feinzimmer. Elle aura servi de dessert à ce concert exceptionnel.
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La performance était dédiée à Jean-Ter Merguerian (1935-2015), violoniste marseillais qui poursuivit sa formation à Erevan, capitale de l’Arménie et à Moscou. Il fut admiré des plus grands, connut une carrière internationale, mais n’aura laissé hélas que deux enregistrements piratés, plus quelques archives filmées disponibles en ligne. Jouant sur un violon Amati, après avoir utilisé un Guarnerius en URSS, il aura trusté les grands prix et sera revenu dans les années 1970 dans sa ville de naissance, laquelle lui aura rendu samedi un bel et juste hommage.