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lyrica-massilia

Culture : apprendre à vivre avec la crise

13 Novembre 2024 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot

Image Agefi

 

Il est hélas par trop évident que les temps qui viennent seront difficiles pour l’économie en général et  la culture en particulier. Le mouvement néolibéral de la société est en crise aigüe, et pas seulement en France. On laissera ici une analyse politique et économique de la situation générale, en précisant cependant qu’elle risque encore d’empirer, pour nous en tenir aux conséquences de cette évolution négative sur la musique classique à Marseille. Il ne s’agit pas d’installer un pessimisme défaitiste, mais de réfléchir à la voilure nécessaire à installer par gros temps (tribord amure, comme disent les  marins).

 

La crise des financements

 

Une première considération s’impose : la décrue des financements publics est déjà à l’œuvre depuis quelques années et elle se poursuit. Subventions de l’Etat, de la Région, du Département, de la Métropole et de la Ville (un mille feuilles, dénoncent certains) risquent de se resserrer encore, même s’il est encore impossible de savoir si Marseille sera plus ou moins mal lotie que d’autres  grandes villes.

Parallèlement, la fermeture annoncée pour plusieurs saisons de l’Opéra de Marseille,  nécessaires pour réaliser de gros travaux, opération dont les dates n’ont pas encore été dévoilées, posera un problème de salles de remplacement. Le grand théâtre Sylvain qui accueillit les spectacles après l’incendie de 1919, en plein air, est lui même en travaux jusqu’en 2026 et les  lieux suffisamment vastes, capables d’accueillir un spectacle mis en scène avec orchestre symphonique n’existent pas. Il manque, on ne le sait que trop, un auditorium, comme il en en été construit dans d’autres grandes villes, mais dont l’équivalent à Marseille n’est pas près d’être programmé.

Certes le théâtre du Gymnase va rouvrir et pourra rendre la pareille aux établissements qui ont accueilli ses spectacles pendant sa longue fermeture, dont la salle de l’Odéon. Il est à craindre que la salle du CREPAC Silo, quai du Lazaret, soit sollicitée. Elle n’est pas facile d’accès et de plus est d’une tristesse absolue, ce que nous avons pu vérifier récemment. Quant à l’auditorium du Pharo, il peut accueillir un orchestre et des chanteurs, mais pas une mise en scène, ce qui est a fortiori  le cas pour le théâtre de l’Odéon qui ne peut même pas accueillir un orchestre symphonique.

 

Une offre en  progression constante

 

Cette conjonction de difficultés arrive paradoxalement à un moment où l’offre de concerts est en extension, à Marseille comme dans sa périphérie. Outre les productions toujours situées musicalement au plus haut niveau de l’art lyrique, la saison d’opérette de l’Odéon, la montée en charge de Marseille Concerts, la résurrection de la Société de Musique de chambre (la plus ancienne : 1919), la Société Marseillaise des amis de Chopin (la plus jeune : 2022). Cette dernière marquera un grand coup en décembre avec son premier concours international de piano. Tout cela construit une véritable aura culturelle à la deuxième ville de France. Même si cette profusion est trop peu médiatisée, ni la presse, ni la ville ne semblant en avoir compris la dimension, elle constitue une richesse dont il faut être conscient et que nous tentons de mettre en valeur du mieux que nous pouvons, vaille que vaille.

Il convient de ne pas oublier dans cette énumération plusieurs producteurs : Mars en baroque qui, malgré ses difficultés financières, a réussi à produire son festival en décalage d’un semestre, fut-ce au prix d’un certain embouteillage de l’offre de concerts cet automne. Quant à Musiques interdites, ce festival d’octobre rend hommage, année après année, aux compositeurs victimes des dictatures et nous fait découvrir des musiciens injustement oubliés avec des musiciens d’exception, dont un habitué, le pianiste  Vladik Polionov. D’autres opérateurs sont également plus que jamais à l’oeuvre, comme les concerts de Lyric Opéra au temple de la rue Grignan, ceux des Amis de l’Abbaye Saint-Victor dont les programmes montent en qualité en partie grâce à la réfection de l’orgue, et ceux de l’Association Arpeggione animée par le pianiste et organiste Philippe Guiet, qui met en valeur de jeunes artistes.

Comme nous l’avons déjà noté, le piano, certes de haut niveau, tient une place de plus en plus importante dans l’offre de  concerts, mais rien d’empêche de penser à un futur concours de violon ou de violoncelle.

 

Le privé comme solution partielle

 

Plusieurs éléments qui ne sont pas trop souvent avancés devraient se croiser face à la disette annoncée. En premier lieu, économiquement parlant, il semble exclu d’augmenter le prix des places de concert, eu égard à ce que les économistes, comme ses sociologues, ont noté comme déclin de la petite bourgeoisie culturelle, laquelle structurait largement les publics de la musique classique. (cf. Elie Guéraut, le Déclin de la petite bourgeoise culturelle, Raisons d’agir, 2023).  Certes, et il s’agit là d’un aspect positif, susceptible d’atténuer ce processus délétère,  on ne peut négliger l’arrivée des néo-marseillais dont une partie bénéficie d’un capital socio-culturel. En l’absence d’études sérieuses, on ne peut que se fier empiriquement à une série de rencontres pour attester d’un certain renouvellement du public.

En revanche, pour d’autres habitués des concerts, l’inflation entraine des arbitrages et il n’est pas certain que la culture reste une priorité  chez nombre de personnes touchées par la baisse de leur pouvoir d’achat.

Dans cette nouvelle configuration, il est probable que la part des financements privés, aujourd’hui encore faible, même si elle existe déjà à Marseille pour certains festivals et séries de concerts, devrait aller en se développant. L’Opéra de Marseille  bénéficie à ce titre d’un « club des entreprises », confié Guillaume Schmitt, responsable des actions extérieures. Certains regretteront une telle évolution de type anglo-saxon, mais il nous semble inévitable qu’une  montée en charge de ce type de financement advienne rapidement. Avec un système de défiscalisation de l’ordre de 60%, les participations ne seront pas trop difficiles à trouver, du moins peut-on l’espérer.

 

Des lieux à trouver

 

D’autre part, concernant les spectacles lyriques, preuve a été largement faite ces dernières saisons qu’une version orchestrale (de type oratorio), agrémentée d’un bon travail de vidéaste, valait mieux qu’une mauvaise mise en scène. L’exemple récent de Norma n’a pu que nous confirmer dans cette idée. De plus, l’augmentation des coproductions permettra plus que jamais de mutualiser les coûts, sans limiter le nombre des représentations au delà du raisonnable.

Ce n’est pas à une crise de la culture que nous assistons, telle que l’a théorisée Hannah Arendt (Between past and future, 1961). Il ne s’agit pas en effet d’un problème de confrontation entre la tradition et la modernité, mais des conséquences d’une crise, qui n’a pas encore la violence de celle de 1929 où la culture a énormément souffert, ni celle qui fut causée par le Covid.

La question des formats va aussi jouer un rôle, les spectacles les moins coûteux  (par exemple la musique de chambre, versus l’opéra et bis repetita, les versions oratorio) étant sans doute favorisés, même si le statut des musiciens d’orchestre peut permettre aux concerts symphoniques de continuer à fonctionner sur un soc solide. Peut-être des opérateurs seront-ils cependant amenés à négocier certains cachets à la baisse.

Cette question de lieux de repli qui touche également des structures de musique de chambre débordées par leur succès dans des salles comme la Major au Pharo ou Musicatreize va devenir cruciale.

 

Conclusion

 

On pourra donc, in fine, souhaiter que se renforce une solidarité entre les organisateurs de concerts, déjà sensible par le prêt ou la location de salles. Après avoir accueilli le Comité des artistes lyriques et musiciens solidaires, (CALMS), une coproduction avec Musicatreize qui en fut pas hélas une réussite, Musiques interdites, ou Marseille concerts, l’Opéra reste un phare dans la réputation de Marseille, surtout depuis sa spectaculaire progression grâce à son directeur Maurice Xiberras et au maestro Lawrence Foster. Il continuera à assurer son rôle de vaisseau mère. Il n’est pas exclu que son caractère exceptionnel de scène municipale, souvent critiqué, lui permette de moins souffrir que les scènes nationales dans les temps difficiles qui s’annoncent, où les grains menacent de se multiplier. On peut en tout cas faire confiance à celles et ceux qui l’anim

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