Astrid Siranossian et Nathanaël Gouin. Un immense talent au service d’un répertoire élargi
Marseille concerts poursuit son parcours d’exception avec la prestation que nous ont offert vendredi 8 novembre, dans la salle de la Major du palais du Pharo, deux jeunes artistes déjà confirmés, Astrig Siranossian au violoncelle et Nathanaël Gouin au piano, musiciens qui jouent ensemble depuis des années et contribuent à élargir le répertoire.
On peut en effet se montrer reconnaissant aux deux complices de ne pas avoir choisi la facilité. C’est la Suite italienne de Stravinsky, extraite de son ballet Pulcinella (1925 pour la version avec violon et 1932 pour celle avec violoncelle) qui a débuté le programme. C’est une œuvre de la période néoclassique du compositeur et peut-être pas sa plus inspirée, malgré la multitude des styles convoqués, mais les deux instrumentistes en ont tiré le meilleur, avec une joie évidente de jouer.
La cinquième sonate de Beethoven qui suivit, pour violoncelle et piano en ut majeur a été écrite la même année que la quatrième (1815). Là aussi, ce n’est pas ce que le grand Ludwig Van a commis de plus génial. Mais le public a apprécié et là aussi, les virtuoses ont magnifiquement servi la partition qui comporte tout de même de grands moments.
En deuxième partie du concert, la sonate de Rachmaninoff, en sol mineur (1901), écrite en quatre mouvements, aura constitué un moment de grâce. Nathanaël Gouin a offert toute sa virtuosité dans la seule partition que l’un de princes du piano post romantique ait écrite pour ces deux instruments. Bien qu’emplie de richesses, elle est moins fréquentée par les instrumentistes que les deux précédentes. En parfaite osmose avec le clavier, Astrig Siranossian a fait chanter son instrument (un Francesco Ruggieri de 1676), ce qui a provoqué un tonnerre d’applaudissements, les deux musiciens nous ayant précisé que c’est la première œuvre qu’ils avaient jouée ensemble, preuve qu’ils n’ont jamais été rebutés par la difficulté.
Les deux artistes ont l’habitude de jouer des oeuvres encore plus rares. Ils ont notamment enregistré avec Daniel Barenboïm un disque en hommage aux sœurs Nadia et Lili Boulanger, « Dear Mademoiselle ». Ils viennent tout juste de sortir un autre CD, intitulé « invisibles » où ils ont choisi de graver en première mondiale la sonate du brestois Jean Cras (1879-1932), œuvre de jeunesse de cet élève de Duparc qui finit contre-amiral dans la marine. Quant à celle du lyonnais Pierre-Octave Ferroud (1900-1936), qui se veut un retour à Bach, Francis Poulenc composa pour son auteur ses Litanies à la Vierge noire en sa mémoire, après sa mort dans un accident de voiture. Troisième sonate de cette liste d’œuvres sorties de l’oubli, celle de Marcelle Soulage (1894-1970). Elle fut élève de Nadia Boulanger. Les instrumentistes nous ont offert en bis le superbe mouvement lent de sa sonate en fa dièse mineur.
Prochaine occurrence de Marseille Concerts, ce lundi 18 novembre à 20h, au théâtre de la Criée, avec le pianiste croate Ivo Pogorelich. Au programme, Chopin, mazurkas, op. 59 et sonate n°2, dite funèbre, op. 35 ; Sibelius, Valse triste, op. 44 n°1 ; Schubert, moments musicaux, op. 94.