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lyrica-massilia

Musiques interdites, Marseille en capitale…

9 Octobre 2024 , Rédigé par Jean-Marie Cabot Publié dans #Musiques Interdites

Xavier Chatillon, Armelle et Saténik Khourdoian. Photo © musiques interdites

 

Marseille, capitale de la musique classique et du lyrique ? Les murs de la cité phocéenne résonnaient encore du triomphe de Norma, que Brahms assurait déjà l’affiche du premier concert de la saison de Marseille Concerts, que « Mars en baroque » étalait dans les salles de la ville, toute la beauté de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, que le tout nouveau festival « Bouger les lignes » présentait deux concerts Femina avec Lorrie Garcia et Marion Liotard, et c’est en attendant la suite prometteuse de ce mois d’octobre, avec notamment la nouvelle saison de la Société Marseillaise des Amis de Chopin et tant d’autres encore, que débutait la XIXe édition du festival « Musiques Interdites »… 

Samedi soir, dans un environnement exceptionnel, les cryptes de St Victor, Musiques Interdites bruissait d’un vibrant hommage rendu à l'Arménie et à deux de ses compositeurs, Komitas et Khatchatourian, qui ont subi à divers degrés les affres de la dictature stalinienne ou les horreurs du génocide… Marseille ne pouvait rêver mieux pour cela, qu’accueillir deux artistes nées ici, deux sœurs, Armelle (soprano) et Saténik (violoniste) Khourdoian, accompagnées par Xavier Chatillon, violoncelle solo de l’Orchestre de l'Opéra de Marseille. Les cryptes remplies témoignaient du succès de la soirée, il fallut même que les derniers spectateurs amènent des chaises de l’abbaye pour s'asseoir et combler les derniers espaces…

Saténik Khourdoian, premier violon de l’orchestre de la Monnaie à Bruxelles exprimait alors au public toute la gratitude qu’elle ressentait pour Jean Ter Merguerian, son professeur, qui aurait eu 89 ans ce jour et à qui elle dédiait le concert. L’émotion qui perçait des paroles délicates de l’artiste ne pouvait que rejaillir sur la « Sonate monologue pour violon solo » que Khatchatourian écrivit à la fin de sa vie. Cette œuvre rare, peu jouée, mélange de virtuosité et d’éléments du folklore arménien, révélait un charme particulier dans lequel il n’était pas forcément aisé de se fondre…l’interprétation de l’artiste la rendait saisissante, les notes flamboyaient, tendres, pleines d’une émotion grave ou encore de lyrisme que l’instrumentiste restituait avec tellement de sincérité.

Le programme prévoyait ensuite la « 2e suite en ré mineur pour violoncelle » de Bach dont certains interrogeaient la présence dans ce programme. Xavier Chatillon nous indiquait à ce propos qu’elle était un « choix personnel dans ce concert en hommage à l'Arménie. La musique de Bach est universelle et j'ai pensé que la tonalité, le recueillement spirituel qu'apportent certains des mouvements de cette suite, seraient en parfaite adéquation avec la musique de Komitas. » Le musicien ne s’y est pas trompé, les notes résonnaient amples et chaleureuses dans la crypte, impressionnant par leur volume, soulignant parfaitement l’impeccable gravité et l’exceptionnelle profondeur de l'œuvre. Le violoncelliste est talentueux, son expression musicale déploie une sensibilité et une élégance rare en parfaite harmonie avec tous ces instants d’émotion.

Photo © musiques interdites

 

Komitas clôturait la soirée. Un ensemble de mélodies d’une tendresse et d’une beauté irrépressibles, emplies d’une poésie que la soprano, Armelle Khourdoian, rayonnante, interprétait avec aisance et émotion. Elle présentait chaque courte pièce, nous en livrait les clés, instillant traits d’humour, gravité ou sensibilité… des mots qu’elle a su traduire par une interprétation pleine de délicatesse, les aigus sont brillants, le vibrato exquis. La Soprano a mis sa puissance remarquable, son expressivité, au service de l’émotion, de la beauté, de la déréliction de ces œuvres. Elle a su jouer avec la musicalité de la langue arménienne pour avec ses complices musiciens, sa sœur Saténik et Xavier Chatillon, présenter dans son expression malicieuse au public subjugué, l’amour, la souffrance, la tristesse, mais aussi la légèreté, la joie que ces œuvres recèlent. En bis, les musiciens nous offrirent un chant plein d’entrain à la gloire d’Erevan de Khatchatourian.

Alors Marseille capitale du classique ? Je n’en sais rien et puis en soi, cela n’a pas vraiment d’importance, mais que l’offre y soit si généreuse et d’aussi grande qualité, est indiscutable…  sachons donc en remercier tous ceux qui y œuvrent, en profiter, et que vivent la musique et le spectacle vivant !

 

 

 

 

 

 

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