Un siècle de quasi solitude
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Mieux vaut tard que jamais. C’est d’un précieux document que nous rendons rapidement compte aujourd’hui. Il a été autoédité en 2019 par la Société de Musique de Chambre de Marseille, pour marquer son centenaire. Il est sous-titré « Scène ouverte aux grands noms du monde musical » et nous donne force détails sur les compositeurs, interprètes, programmes, ainsi que quelques lueurs sur celles et ceux qui ont dirigé la Société. Le florilège est impressionnant.
Avec l’Opéra de Marseille, il n’est pas exagéré de penser que la SMCM aura constitué pendant un demi-siècle, soit la moitié de son histoire, le principal opérateur musical marseillais. Les grandes familles de la cité phocéenne, avec leur capital culturel et financier, ont assuré son succès. Les salons du fondateur le docteur André Wyze-Lauzun, rue de Rome s’avérant rapidement exigus, c’est le très sélect Cercle des Phocéens qui prêtera les siens. Puis, dès 1921, c’est une Dame Gautier qui offrira encore plus grand, 22, rue Montgrand, avant un nouveau déménagement dès 1923 dans une salle de 300 places des salons Massilia, 1, rue de l’Arsenal. On ne s’éloigne pas de la partie la plus huppée du centre-ville. Le dernier déménagement aura lieu en 1958 pour l’amphithéâtre de la faculté de médecine de la Timone.
Une citation du document des dix ans de la SMCM publié en fac simile dans l’ouvrage illustre bien la manière dont cette dernière se pensait elle-même en 1929: « Moins difficiles qu’aujourd’hui, les auditeurs, sans demander la perfection d’exécutions souvent presque improvisées, n’en goûtaient pas moins profondément les sensations raffinées que la musique de chambre réserve à ses adeptes, en même temps que le réconfort intellectuel apporté par l’art à ces heures si tristes et si longues à s’éteindre. ». Quant à la formation en quatuor, dans le même document, elle est considérée « comme la forme la plus pure ».
En creux, ce travail de mémoire, ô combien nécessaire et même précieux, mesure la difficulté qui existe à écrire une histoire du mouvement musical ou autre dans sa globalité sociale et économique. En effet, rien n’est dit des budgets, des cachets, des subventions publiques et privées, du nombre d’abonnés et, a fortiori, de la sociologie des publics. Lucien Guérinel, violoncelliste compositeur et l’un des plus anciens adhérents de la Société encore vivant, écrit dans le prélude du livre : « La société de musique de chambre a tenu bon, malgré quelques bourrasque plutôt délétères sur la grande société. Elle s’est épanouie et maintient son assise populaire ». On aimerait en savoir davantage sur les orages et quant au terme populaire, quel sens a–t-il ici ?
La mise à disposition en ligne des journaux régionaux, grâce à l’immense travail de numérisation effectué par la Bibliothèque Nationale de France, permet aujourd’hui de détailler les artistes invités, les programmes des spectacles avec, parfois, une indication du prix des places. Sur cet aspect, le livre est exemplaire. Mais, pour le reste, il faudrait travailler sur les archives des opérateurs, à supposer qu’elles soient disponibles et aient été transmises.
L’ouvrage du centenaire de la SCMC apporte une pierre à l’édifice. Il s’ajoute aux histoires de l’Opéra de Marseille publiées par André Second ou Claude Harris. Une analyse fine des programmes permettrait d’avoir une idée de l’évolution de la visibilité des œuvres et des compositeurs parmi lesquels un bon nombre a sombré dans l’oubli, avant une souhaitable redécouverte.
Quoi qu’il en soit, la société centenaire est repartie d’un bon pied.. En 2019-2020, l’adhésion à l’association donnait droit à l’ensemble des concerts (170 euros - 200 pour les bienfaiteurs - 140 pour les professeurs de musique et les membres en parrainant un(e) autre, 80 pour les jeunes de moins de 25 ans, gratuité pour les enfants et petits-enfants de sociétaire. On restait en famille. Aujourd’hui la société a pris acte du fait que la formule de l’abonnement comme unique possibilité battait de l’aile, avec l’évolution des pratiques. Elle propose donc des places à 45 euros impliquant l’adhésion et donnant droit à un concert, chaque événement suivant coutant 30 euros. Pour quels concerts ? Nous en reparlerons.