Fin de saison à l’opéra. Les voix royales
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Prima la Musica. Certamente, e quella musica ! Mais parasitée. On ne peut pas dire que la mise en scène de Waut Koeken qui a construit son travail en Lorraine en 2018 soit des plus intelligentes. C’est le risque des coproductions, par ailleurs nécessaires. Mais après ce qu’on nous a présenté récemment dans les Noces de Figaro, qui nous avait ravi, on nous propose ici un premier degré lourd et éclaté régnant au premier acte dans une certaine confusion, au point de gêner la musique. Cela se calme ensuite, même si on eût espéré davantage de subtilité que ce théâtre dans le théâtre, lui même enchâssé dans un autre théâtre, traversé de danseurs qui dispersent l’attention. Les costumes ne sont pas non plus très bien choisis. La robe dont on a affublé Amelia est particulièrement inesthétique.
Le livret d’Antonio Somma, qui eut maille à partir avec les censeurs du San Carlo de Naples est pourtant bien construit. Gustave III incarne une certaine ouverture d’esprit proche des Lumières qui contraste avec un cadre social sombre, traversé de complots qui finiront par l’atteindre. Solos, duos, trios quatuors, chœurs, toutes les configurations sont là pour nous offrir des moments privilégiés.
Fort heureusement, pour illustrer la partition, la distribution de ce Ballo in maschera s’est avérée éclatante. Enea Scala, sicilien devenu Roi de Suède, demeure le ténor d’exception que nous avons mainte fois applaudi. Il incarne un personnage aimé de ses sujets avec une vaillance étonnante. Son amoureuse, Amelia donne l’occasion à la vénitienne Chiara Isotton de laisser éclater son talent de soprano lyrique, puissante, émouvante, déchirée entre amour et devoir, situation des plus classiques, mais dont Verdi s’est emparé avec le génie qu’on lui connaît. La sorcière Ulrica, incarnée par la contralto albanaise Enkelejda Shkoza possède les couleurs aptes à traduire toute la noirceur, mais aussi la tendresse requises par le rôle. Quant à la colorature bruxelloise Sheva Tehoval, elle est des plus délicates et amène une finesse et une salutaire fraîcheur dans un univers sombre et pesant.
Le baryton du parmesan, lui aussi albanais d’origine, Gezim Myshketa, se montre dramatiquement parfait en mari à demi trompé par son meilleur et royal ami. Vocalement, il a de très beaux graves, mais souffre dans quelques aigus redoutables que Verdi lui a concoctés.
Les autres rôles s’intègrent parfaitement dans leur fonction d’intermédiaires vocaux et dramatiques, Maurel Endong, baryton basse (le Conte Ribbing), Thomas Dear, basse monégasque (le Comte Horn), Gilen Goicoechea, baryton basque (le marin Christiano), Rémi Chiorboli, ténor (Le serviteur) et Norbert Dol, baryton, (le juge).
Le chef Paolo Arrivabeni que nous connaissons bien à Marseille est comme un poisson dans le grand fleuve verdien. Les musiciens le suivent allégrement, assurant les soli des moments les plus délicats, violoncelle et flute, de cette œuvre attachante. Le solo de cor anglais dans l’ouverture du deuxième acte et l’air d’Amelia est une merveille du genre. Quant aux chœurs dont le rôle est central dans ce bal masqué, ils s’en tirent à merveille, avec une disposition très euphonique. Florent Mayet a œuvré. En résumé, les fondations musicales marseillaises sont solides. Les mises en scène passent et la musique demeure. Il reste à espérer que le public vienne en nombre écouter ce chef-d’œuvre pour les trois représentations à venir, vendredi 7 juin à 20 heures, dimanche 9 à 14h 30 et mardi 11 à 20 heures.