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lyrica-massilia

Agnès Briolle-Vieuxtemps. Symphonie en Lac Majeur Henry Vieuxtemps, l’âme du violon

11 Mai 2024 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot

 

Pianiste et musicologue marseillaise, Agnès Briolle-Vieuxtemps est l’arrière petite fille d’Henri Vieuxtemps, devenu Henry.  Nous avons eu l’occasion de publier d’elle une interview. Musicologue et pianiste, elle est aussi écrivaine et vient de publier un ouvrage passionnant sur son glorieux ancêtre.

Né en 1820, dans un milieu modeste, le père étant luthier et violoniste amateur, à Verviers en Belgique, cet enfant prodige aura été l’un des phares du violon au XIXème siècle. Il fut élève de Charles Bériot, époux de la Malibran. Reconnu par les plus grands, dont Niccolò Paganini, Vieuxtemps aura beaucoup voyagé et entre autres titres de gloire, fondé l’école de violon de Saint Petersbourg où il fut professeur invité par le Tsar Nicolas 1er, de 1846 à 1851. Il avait précédemment épousé Joséphine Eder, pianiste autrichienne émérite, de cinq ans son ainée, dont il eut deux enfants et qui mourut du choléra en 1868.

Ses concerti pour violon sont les seules œuvres dont les mélomanes se souviennent, alors que Vieuxtemps a composé de la musique de chambre et commencé un opéra, la Fiancée de Messine. Peu d’articles lui ont été consacrés et la biographie de Jean-Théodore RadouxVieuxtemps : sa vie, œuvres, paru à Liège, chez Auguste Bénard, en 1897, est aujourd’hui quasi introuvable.

Agnès Briolle Vieuxtemps avait déjà écrit en 1987 un Henry Vieuxtemps-Compositeur Virtuose, Virtuose Compositeur, ouvrage qui fut traduit en japonais. Quatre chapitres de son nouvel opus se déroulent « en coulisse » pour cette Symphonie en lac majeur fort bien écrite. Agnès Briolle Vieuxtemps décrit successivement une vocation, une consécration, une renommée et une vie d’artiste.

L’autrice a choisi une forme dialoguée avec son ancêtre, dans une construction qui n’a rien de spirite, ni même de nostalgique, mais qui s’appuie sur de très nombreuses archives, pieusement conservées par la famille. Lettres de Victor Hugo, Hector Berlioz ou Charles Gounod, contrats d’éditeurs, mais aussi nombreuses partitions. Sur ce plan, les découvertes se sont traduites par plusieurs disques publiés chez Naxos, célèbre label à vocation encyclopédique, fondé par Klaus Heymann en 1987 et qui avait déjà édité les concerti pour violon, dont le cinquième en la mineur, dit Grétry (en hommage au compositeur français né à Liège en 1741 et mort en France, à Montmorency en 1813). Cette partition est réputée comme étant la plus difficile à jouer, notamment avec sa deuxième cadence, même si Vieuxtemps semblait préférer son quatrième concerto, tout aussi virtuose et qui comporte exceptionnellement quatre mouvements, comme le risquèrent plus tard Chostakovitch et Stravinsky.  

Au fil des pages de ce livre, on se cultive en matière d’histoire de la musique et des instruments. Ainsi Adrien Servais (1807-1868), autre belge de naissance, star oubliée du violoncelle comparé en son temps à Paganini, est-il, parmi d’autres figures, ressuscité. Très proche de Vieuxtemps, il jouait sur un Stradivarius plus haut de trois centimètres que ses congénères, offert par le Compte russe Youssopov. Servais, qui fut dédicataire d’un concerto de Vieuxtemps fut lui aussi compositeur. Qui s’en souvient ?

La société des Amis d’Henry Vieuxtemps, que préside Agnès Briolle-Vieuxtemps a été fondée en 2020, année du bicentenaire de la naissance du compositeur, mais aussi de la pandémie. L’aventure aurait pu être brisée dans l’œuf, mais elle est repartie avec ce livre, des disques et des concerts dont celui dont nous avons rendu compte le 18 avril à Marseille, dans le petit auditorium Cosquer,  dont l’acoustique est loin d’être parfaite, avec des œuvres de musique de chambre. Le Consulat de Belgique et même l’Ambassade, le pays étant à son tour à la direction de l’Europe, ont donné leur appui, ce qui, dans l’actuelle morosité des financements pour la culture est appréciable.

Reste, au delà de la musique, à déterminer ce que fut la religion hésitante de Vieuxtemps. S’il professa sa vie durant une forme modérée de catholicisme, il se convertit au protestantisme pour son mariage et fut aussi reçu franc-maçon dans une loge parisienne du Grand Orient de France, les Amis philanthropes. Sa tombe algéroise ne comporte pas de croix. Il a composé  très peu de musique religieuse, contrairement à Berlioz ou Gounod, par exemple. Ses cendres, ou son corps, furent amenées d’Algérie à Verviers. Une foule très nombreuse suivit le corbillard, menée par Eugène Ysaÿe  qui fut son meilleur élève et qui tenait à la main son Guarnerius de 1741. 

Cela nous rappelle que Vieuxtemps, aura été également un collectionneur d’instruments, dont certains, prestigieux, qui lui furent offerts par des admirateurs. Vieuxtemps joua sur le Guarnerius (1798-1844) qui lui fut donné en 1844 pour son mariage et qu’il ne quitta plus. En Russie, on le gratifia plus tard de trois Stradivarius et d’un violoncelle Amati (Nicollò, 1596- 684). En 1853, à Vienne, il avait reçu un violon et un alto de Maggini (Giovanni Paolo, 1580-1632). Ces présents somptueux feraient aujourd’hui bien des envieux. Côté archet, Vieuxtemps joua presque toute sa vie avec un Tourte (François-Xavier, 1747-1835, grand spécialiste français). Il appréciait aussi Vuillaume, (Jean-Baptiste, 1798-1875), célébré luthier français, le seul à qui il acceptait de confier ses instruments pour leur entretien.

En résumé, la biographie dialoguée que vient de publier Agnès Briolle-Vieuxtemps fourmille de données précieuses. Elle situe, pièce après pièce, le réseau de sociabilité et les proximités musicales d’un compositeur qui sort de l’ombre. La musique française du XIXème siècle s’est trouvée empoussiérée pendant des décennies, d’une manière qui mériterait une étude, mais elle nous revient grâce à des passionné-e-s.

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