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lyrica-massilia

Un de la Canebière, victoire avec la manière à l’Odéon

24 Novembre 2023 , Rédigé par Jean-Marie Cabot Publié dans #Odéon

Odéon, Un de la Canebière, Marseille, OM, Scotto
Photo © Christian Dresse

Dès les portes du théâtre du haut de la Canebière franchies, le ton est donné... mais c’est de sardines dont on va parler et plus précisément de sardines en boites, que 2 hommes sandwiches (2 danseurs du spectacle) distribuent aux très nombreux spectateurs qui accourent. L’histoire de cette opérette marseillaise, l’une des plus célèbres du genre même si elle fut créée à Lyon, raconte les démêlés de 3 amis marins pêcheurs (Toinet, Girelle et Pénible) qui pour séduire leurs bien-aimées (respectivement Francine, Malou et Margot) vont s’inventer un rôle de patrons d’une usine imaginaire de sardines en boites. Mais si les 2 premières, vendeuses au marché dans la vie, vont dans l’impétuosité de leur jeunesse se faire passer pour des vedettes de cinéma, la dernière, plus âgée, ne sera pas dupe et tâchera de révéler au grand jour les boniments des garçons, en demandant au bien nommé Bienaimé des Accoules, de leur passer une énorme commande... qu’ils seront incapables d’honorer, sauf à faire intervenir par une pirouette mais surtout par la malice et la drôlerie des librettistes, un richissime marin russe. Persuadé d’avoir avec son yacht éventré l’esquif de Clarisse de Barbentane, la tante de Pénible et de l’avoir noyée, Garopouloff dédommagera les 3 compères d’une somme considérable, suffisante pour concrétiser la construction de l’usine et laisser ainsi le scénario voguer de rebondissements en rebondissements.

Évidemment l’intrigue se prête admirablement aux quiproquos, jeux de mots, calembredaines et autres joyeusetés, les librettistes d’Alibert, René Sarvil et Raymond Vincy, tous issus ou nés dans la région marseillaise, s’en sont donné à cœur joie, laissant libre cours à leur talent humoristique. Simone Burles, qui assurait une mise en scène absolument géniale, tellement cocasse et débridée, ne s’est pas gênée pour en rajouter, pour faire circuler la troupe à de nombreuses reprises parmi les spectateurs ou pour jouer avec les bons mots et les patronymes...Bienaimé des Accoules se transformait ainsi en Bienéclairé des ampoules ou encore en Bienéclaté des 2 boules mais elle n’hésita pas non plus à s’appuyer sur le club de foot local pour accentuer le divertissement, allant jusqu’à porter une perruque aux couleurs bleue et blanche... C’est Marseille bébé... ça sentait bon la pagnolade et la galéjade, la bonne humeur et la grivoiserie, c’était excellent, très drôle, jamais vulgaire et comme l’opérette était servie par une distribution homogène et de très grand talent, le spectacle fut particulièrement abouti et réussi.

Un de la Canebière est une œuvre qui fait la part belle au côté théâtral ne délaissant pas pour autant la partie musicale qui, bien que moins dotée, n’en recèle pas moins de nombreux tubes que le public reprit en chœur ou en frappant des mains, Canebière, Le plus beau tango du monde, Un petit cabanon faisaient le bonheur de tous.

L’orchestre1 sous la direction dynamique de Didier Benetti est précis, il sonne remarquablement bien et cela, dès l’ouverture, avec un pot-pourri des airs de cette opérette de Vincent Scotto. La musique est belle, entrainante. Les décors sont sobres et les fonds d’écran situent l’action avec précision. Les acteurs évolueront pendant les 3 heures du spectacle avec de superbes costumes, nombreux et variés, c’est gai, coloré et franchement réjouissant.

 

Odéon, Opérette, Marseille, Olympique de Marseille, Vincent Scotto
Grégory Benchenafi, Claude Deschamps et Jean-Claude Calon Photo © Christian Dresse

 

Grégory Benchenafi est Toinet, il est à l’aise sur la scène de l’Odéon, il y est un peu comme chez lui et n’a pas besoin de forcer le trait pour interpréter avec beaucoup de talent et de naturel, le meneur des 3 pescadous. Il est comme son chant, juste aussi bien dans le rire que dans l’émotion. La voix est belle, bien posée, précise. Caroline Géa est Francine, celle qu’il voudra séduire. Elle est émouvante et drôle, attendrissante jusqu’à la fin, quand dans un vibrant moment, elle lancera le bouquet de son mariage avec Toinet au public. Son vibrato est toujours aussi épatant, élégant, sa voix est claire, puissante et ses aigus vraiment agiles et graciles. Girelle (Claude Deschamps) et Pénible (Jean-Claude Calon) sont les 2 autres complices de Toinet. Si le premier est plus volontiers vénal, le second, un peu simplet, mettra à mal le plan élaboré en divulguant le pot aux roses à Margot qu’il aime ardemment, en échange d’une nuit polissonne. Les 2 compères sont très drôles, complices, convaincants et facétieux. Simone Burles campe Margot, on la connaissait attachante et si drôle, désopilante à souhait, elle le fut encore plus dans cette opérette, ajoutant une pointe de grivoiserie et de malice à son impayable personnage, tiraillé entre son amour pour Girelle et son envie de débrouiller l’affaire, qui la mènera dans les bras de Pénible. Fabrice Todaro nous a épaté une fois encore dans le rôle de Garopouloff. A chaque apparition, c’est l’éclat de rire assuré avec son impayable accent slave qu’il maitrise à la perfection, Antoine Bonelli qui est un peu le chouchou du public de l’Odéon, est Bienaimé des Accoules dont le nom ne laisse aucun doute sur l’origine. Riche au point de pouvoir commander des centaines de milliers de boites de sardines mais pas idiot au point d’oublier un très important dédit en cas de manquement dans l’exécution du contrat, Antoine Bonelli sait jouer avec beaucoup de malice et de finesse, les roublards... Priscilla Beyrand est Malou, amie de Francine avec qui elle partage les marchés, elle a le sourire espiègle et l’œil rieur qui conviennent parfaitement à son rôle, Jean Goltier interprète un groom et un Maitre d’hôtel, ses expressions participent pleinement à l’ambiance facétieuse de l’opérette ainsi que la Tante Clarisse de Barbentane (Anne Gaelle Peyro) dont les retrouvailles avec son neveu, Pénible, tous les 2 vêtus et coiffés de la même manière, signent un des grands moments de l’après-midi. Enfin, Marie (Estelle Danière) et Charlot (Yves Coudray) son mari qu’elle trompe un temps avec Toinet, forment un couple impayable et vraiment très cocasse. Tous les 2 jouent formidablement et remarquablement bien, ils apportent un peu de folie et d’originalité dans un spectacle qui n’en manque pas, elle dans le rôle de la maitresse folle de jalousie de voir son amant la berner, lui, dans celui du conducteur du tram, mari bafoué qui n’hésite pas à laisser les passagers l’attendre et râler, le temps de papoter...

Boissière, danse, opérette
Le Ballet Photo © Christian Dresse

Pour terminer, il faut souligner les jolies chorégraphies de Maud Boissière et l’occupation intelligente de l’espace par les danseurs et cela, dès les portes d’entrée du théâtre. Les danseuses2 et danseurs2 se sont fondus avec beaucoup d’habileté dans l’œuvre de Vincent Scotto, contribuant ainsi au rythme joyeux et soutenu de l’œuvre.

Alors si le club de l’Olympique de Marseille ne bat plus le haut du pavé de son championnat, celui de l’Odéon s’il en existait un, serait largement en tête. Ce weekend, le public s’en moquait, c’est le spectacle vivant qui a gagné. Merci aux artistes et à ceux qui nous ont permis d’y assister...

 

 

1 l’orchestre était composé de Alexandra Jouannié, Éric Chalan, Claire Marzullo, Alexandre Régis, Pierre Nentwig, Auguste Voisin et Caroline Dauzincourt

2 le ballet était composé de Marie Gibaud, Anne-Cécile Pic-Savary, Marion Pincemaille, Guillaume Revaud, Rudy Sbrizzi, Vincent Tapia et Léo Vendelli

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