La corde sensible. Le trio Goldberg au sommet de son art
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Encore une grande réussite du cycle de musique de chambre organisé par Marseille Concerts, ce samedi 11 novembre, dans cette salle de la Major du Pharo, si adéquate à ce type de répertoire et qui, pour la circonstance, était pleine à craquer.
Rappelons que le Trio Goldberg est formé de Liza Kerob (violon solo), Federico Hood (alto solo) et Thierry Amadi (violoncelle solo), trois chefs de pupitres de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, l’une des plus anciennes phalanges européennes, jadis dirigée par Toscanini et Furtwängler et aujourd’hui menée par Kazuki Yamada. Ce trio, l’un des meilleurs au monde en ce moment, était déjà venu à Marseille le 24 août 2019, juste avant la sinistre pandémie, dans le cadre du festival « musique au cœur ».
Liza Kerob joue sur un instrument de Jean-Baptiste Vuillaume, sur lequel oeuvra pendant de longues années le grand violoniste polonais Henryk Szeryng (1918-1988) propriété du Prince de Monaco. Le violoncelle de Thierry Amadi est de la même époque et l’alto moderne de Federico Hood sonne remarquablement bien.
Dans le concert de ce samedi, les virtuoses se sont surpassés dans une ambiance des plus chaleureuses. Ils ont donné pour commencer trois trios en deux mouvements de Joseph Haydn, issus chacun de sonates pour clavier, présentés dans le désordre, le deuxième en si bémol majeur, le troisième en ré majeur et le premier en sol majeur. Si les deux premiers trios cités ne relèvent pas de ce que le compositeur autrichien a écrit de plus brillant, le dernier est mieux écrit et plus allant. Quoi qu’il en soit, les trois musiciens ont montré la plénitude de leur talent dans la deuxième partie du concert.
Le divertimento K. 563 de Mozart fut créé en 1788 et dédié à Johan Michael Puchberg, membre d’une loge viennoise ( Zu den drei Adlern : aux trois aigles), qui n’était pas celle que fréquentaient le compositeur et Haydn tous deux membres de Zur Wohltätigkeit (La Bienfaisance). Puchberg, enrichi dans le textile, fut un mécène de Mozart.
Le divertimento relève d’une haute inspiration et fut écrit en une année par ailleurs très productive. Considéré comme un sommet de la littérature pour trio à cordes et l’une des partitions les plus personnelles de Mozart, cette œuvre comprend six mouvements, tous fort bien écrits, y compris pour l’alto et le violoncelle, dans un permanent dialogue.
Avant de nous offrir un bis réclamé par un public enthousiaste, Liza Kerob, non sans avoir remercié la salle et les organisateurs du concert, est fort opportunément intervenue pour nous expliquer que la musique était plus que jamais nécessaire dans une époque terrible où l’horreur refait surface très près de nous. Wolfgang Amadeus Mozart et Joseph Haydn nous parlent encore.
Ce bis, l’Aria des magnifiques variations Goldberg de Bach, dont Glenn Gould donna jadis une version d’anthologie, fut joué dans une ambiance de recueillement qui renvoyait sans doute les musiciens aux débuts du trio, il y a aujourd’hui quinze ans, avec son premier enregistrement, celui de transcription pour trio de l’œuvre pour clavier du Cantor de Saint-Joseph à Leipzig. La partie d’alto était alors tenue par Cyrille Mercier, qui partit à Londres en 2013. Cette remarquable et délicate adaptation fut réalisée par Dmitry Sitkovetsky, violoniste et chef d’orchestre russe, né en 1954 en Azerbaïdjan.
Le prochain rendez-vous de Marseille concerts est fixé au vendredi 24 novembre à l’Eglise des Réformés (21 heures), avec deux célèbres Gloria, celui de Vivaldi et celui de Poulenc. Encore un beau concert en perspective.