Attila de Verdi. Une redécouverte éblouissante et une distribution d’anthologie
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Attila nous arrive avec l’heure d’hiver, une première en matinée d’automne et un succès éclatant. Un orchestre au mieux de sa forme, un chef méticuleux, une distribution exceptionnelle. Le bruit courait dans les cafés qui jouxtent l’opéra que ce serait un succès. Ce fut un triomphe.
Rappelons que cet ouvrage en trois actes et un prologue est le neuvième opus lyrique de Giuseppe Verdi et que le Maestro assoluto parmigiano s’est inspiré pour l’écrire en 1846 de la pièce de Zacharias Werner, Attila König der Hunnen (1807). La création de l’œuvre eut lieu au Teatro la Fenice de Venise. Deux librettistes se sont mis successivement à la tâche, Temistocle Solera, puis Francesco Maria Piave, certes moins doué qu’Arrigo Boito, ce qui se comprend avec une histoire qui reste un peu bancale et une fin passablement bâclée. Attila ne fut pratiquement plus joué entre 1861 et le milieu du XXème siècle, pour partie à cause de ses difficultés vocales et de ce livret peu brillant.
L’histoire plonge en Italie, en l’an 452. Dans les ruines d'Aquilée, ville du Frioul, Attila fait une entrée triomphale, avec son armée de Huns qui vient de battre les Romains. On lui amène un groupe de prisonnières italiennes, dont Odabella, la fille d'un seigneur qu'il a tué il y a peu. Attila est impressionné par la fougue patriotique de la jeune femme, sans soupçonner qu'elle est habitée par la volonté de venger la mort de son père. Dans le camp adverse, le général Ezio veut négocier avec son ennemi, quitte à lui abandonner le monde entier en échange de sa chère Italie. Mais Attila refuse. Ezio et Foresto, le fiancé d’Odabella, décident alors de profiter d'un banquet destiné à célébrer la trêve qui vient d’être décrétée pour attaquer les Huns et empoisonner leur chef. Mais déterminée qu’elle est à accomplir elle-même sa vengeance, Odabella prévient Attila qui lui offre de la faire reine en l'épousant. Nouveau rebondissement : Attila surprend Odabella qui continue à vouloir sa mort avec Ezio et son fiancé Foresto qu’elle jure d’aimer toujours. Attila découvre ainsi la conspiration. Tandis que les Romains se précipitent sur les Huns, Odabella poignarde Attila et venge enfin la mort de son père. La justice et l’Italie ont triomphé, le public vénitien peut applaudir.
Les retrouvailles avec cette partition attachante, qui fut parfois donnée sous le titre Gli Unni e i Romani, se sont effectuées dans ce remarquable mélange marseillais qui est de plus en plus reconnu à sa juste valeur artistique de niveau international. D’un côté, on retrouve des habitués, comme l’orchestre philharmonique de l’opéra de Marseille, plus rutilant que jamais, sous la baguette d’un Paolo Arrivabeni que nous avons eu plaisir à applaudir de nouveau dans son répertoire fétiche. De l’autre côté, la scène marseillaise accueille de glorieux invités dans une version certes concertante, mais très vivante, d’un Attila que nombre de spectatrices et spectateurs auront découvert pour l’occasion, puisque la dernière production marseillaise remonte à mars avril 2010. Auparavant, l’œuvre avait été montée en janvier 1978 et en mars 1985, avec José Van Dam dans le rôle-titre. Révérence gardée envers ce grand artiste que nous avons jadis entendu et apprécié, ce que nous a offert Ildebrando d’Arcangelo nous semble encore plus fort.
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Parmi les nouveaux chanteurs venant s’illustrer dans la cité phocéenne, la basse italienne, habituée de la Scala, s’est taillée un immense succès dans le rôle titre du chef des Huns. Le chanteur incarne son personnage, tout en prestance et en méchanceté, donnant l’impression de vouloir à tout instant enfiler son costume de scène. Et quelle voix chaude et puissante! Le natif de Pescara a dû apprécier l’accueil du public marseillais qui contraste avec la froideur de son équivalent milanais qu’il connaît bien. Trois autres monstres sacrés ont aussi illuminé la soirée. La soprano magyare Csilla Boross, une fois sa voix chauffée (Verdi a en effet, comme pour Radamès au début d’Aida écrit un début sans filet) a campé une remarquable Odabella, belle romaine au destin trouble et vengeur. Elle possède des aigus éclatants et des pianissimi délicats. Elle a remplacé avec bonheur Angela Meade, jadis programmée pour ce rôle.
Juan Jesús Rodríguez en Ezio, est un baryton impressionnant que nous connaissons bien à Marseille, tout en vaillance dramatique et vocale. Son duo avec Ildebrando d’Arcangelo a été acclamé « Tu avrai l'universo, io mi tengo l'Italia - Tu auras l’univers, moi je garde l’Italie ».
Le ténor Antonio Poli (Foresto), lui aussi après quelques minutes de chauffe, a arraché un rôle difficile sans fléchir, nous dotant comme sa partenaire de pianissimi remarquables.
La basse Louis Morvan (le Pape Léon premier) semble promise à un grand avenir et le ténor Arnaud Rostin-Magnin (Uldino) mériterait lui aussi un rôle plus conséquent. Les chœurs, ne les oublions pas, ont brillé avec leur nouveau chef, Florent Maye.
Chaque année, la programmation de l’Opéra de Marseille qui poursuit son renouvellement nous permet d’aborder une œuvre injustement considérée comme mineure et en tout cas négligée. Ce fut le cas récemment avec un autre ouvrage de Verdi, Giovanna d’Arco, mais aussi avec la Reine de Saba de Gounod ou Elisabetta regina d’Inghilterra de Rossini, trois opéras remarquables, sans oublier le bienheureux retour de Meyerbeer ; de telles programmations constituent l’une des manières intelligentes de ne pas s'en tenir à un répertoire convenu. Ni le public, qui semble revenir en nombre, ni les artistes, ni Lyrica Massilia ne s’en plaindront. Attila, qui précéda d’une année l’écriture de Macbeth et contribua à réveiller la nation italienne, comme Nabucco, que nous entendîmes la saison dernière, revient en grâce depuis quelques années et c’est heureux.
Quant aux représentations anciennes que nous avons mentionnées, il nous parait urgent que soit écrite l’histoire de l’Opéra de Marseille de ces dernières décennies. Aucun des ouvrages précieux d’Henri Segond ne va, à notre connaissance, au delà de 1987.
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Il reste deux représentations et quelques places, le jeudi 2 novembre et le samedi 4 novembre à 20 heures.