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lyrica-massilia

Musiques interdites. Enorme succès pour les 12 préludes et fugues du musicien ukrainien Vsevolod Zaderatski, en création mondiale.

17 Octobre 2022 , Rédigé par Chantal Champet Publié dans #Festival

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Un public enthousiaste a assisté mardi à la première représentation en France, de 12 des 24 préludes et fugues de Vsevolod Zaderatski ce 11 octobre au Conservatoire. La première mondiale avait été donnée au conservatoire Tchaïkovski de Moscou en décembre 2014, présentée alors par son fils, qui porte les mêmes nom et prénom que lui. Cette œuvre, d’une richesse incroyable, que certains craignaient d’être d’un abord un peu difficile pour le public, a été interprétée avec brio et sensibilité par six professeurs des conservatoires de musique de Marseille et Aix-en-Provence : Marina Blassel, Elsa Blanc - qui remplaçait au pied levé Hermine Forray, empêchée,  Olivier Lechardeur, Gilles Nïn, Rémy Cardinale et Vladik Polionov. Ce dernier coordonnait la soirée et présentait avec érudition le compositeur et les interprètes. Ses explications très didactiques ont permis à tous les non spécialistes de mieux apprécier les pièces présentées.

 

Si le prélude est un genre qui permet une certaine fantaisie, la fugue, elle, est une composition polyphonique bien plus exigeante dans laquelle les voix se succèdent selon une logique de développement très stricte. Zaderatski excelle dans les deux registres. Longtemps, on a ignoré qu’il fut le premier depuis Bach, avant même Chostakovitch, à composer de nouveau 24 préludes et fugues. Pourquoi 24 ? Parce que cela permettait de faire varier le même genre dans toutes les tonalités existantes. Et le génie de Zaderatski se révèle pleinement dans ce cadre classique, alliant une construction musicale aboutie à une originalité stylistique étonnante et à une expressivité poignante .

 

Vladik Polionov a rappelé des éléments biographiques de ce compositeur ayant subi toute sa vie les persécutions des Bolchevicks.  En 1926, parce qu’il avait été entre autres professeur du tsarévitch, ces derniers détruisirent et interdirent toutes ses compositions et partitions et l’emprisonnèrent pour trois ans. Il avait alors 35 ans et l’on n'a pas à ce jour retrouvé toutes les œuvres de cette première partie de sa vie, dont sans doute un opéra.  En 1937, engagé dans l’Armée  blanche et fait prisonnier, il est sur le point d’être exécuté lorsque Félix Dzerjinski, l’implacable fondateur de la Tchéka, l’entend jouer du piano et le sauve. Il est envoyé pour des années dans un des pires des camps du goulag, où, dans des conditions épouvantables (98% y mouraient avant deux ans d’internement), il composa les pièces magnifiques jouées ce soir. 

 

Comment tant de beautés ont-elles pu naître dans un tel contexte déshumanisé? Selon son fils, il composait pour survivre. Ses fugues nous rendent ses émotions et sa virtuosité. Zaderatski se situe dans la continuité de la seconde école de Vienne, et privilégie absolument l’expression et la narration. La fugue n°10, servie par l’interprétation d’Olivier Lechardeur,  est bouleversante.

 

Un récital des fugues 13 à 24 par les élèves des conservatoires de Marseille et Aix est prévu pour mars 2023. Par ailleurs, bien d’autres œuvres de Vsevolod Zaderatski restent encore inédites ou non jouées. On ne peut que souhaiter qu’elles le soient enfin dans les années à venir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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