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lyrica-massilia

Una volta ancora, più che perfetto ! I Puritani : momenti di grazia

9 Novembre 2019 , Rédigé par Jean-Pierre Bacot

 

La grâce... Cette question relève certes davantage de la sensibilité janséniste que de la pensée puritaine, laquelle, redisons-le, se situe à mille lieux du romantisme bellinien, teinté d’optimisme sicilien. Cette grâce est passée sur l’opéra de Marseille pour deux représentations d’anthologie de I Puritani. Etait-ce l’acmé de cette remarquable saison ? Celles et ceux qui vont nous présenter pour le reste de la programmation cinq opéras : Barbe-bleue (Offenbach), Eugène Onéguine (Tchaïkovski), Adrienne Lecouvreur (Cilea), Carmen (Bizet), Nabucco (Verdi), vont devoir se transcender dans tous les registres.

 

Lorsque l’on se trouve au cœur du répertoire, comme avec ce chef d’œuvre bellinien, pas une seule faiblesse n’est permise, tant les lyricomanes connaissent l’ouvrage et, mise en ligne oblige, se repassent en boucle les versions historiques de tel ou tel air. A voir le public enthousiaste, une partie debout, pour saluer les interprètes, les chœurs, l’orchestre et son chef, nous nous sommes dit que le voyage sur un petit nuage entrepris depuis le début de la saison, se poursuivait, sans grain ni coup de mistral.

 

Carlo Pepoli, appelé avec bonheur à diriger pour l’occasion l’orchestre de l’opéra de Marseille a impulsé une dynamique et une précision qui auront permis à la fois de mettre en valeur, l’ensemble des pupitres sollicités par la plume de Bellini et d’emballer cette musique sans faiblesse, où les thèmes reviennent en variations enivrantes. Les chœurs préparés par Emmanuel Trenque  se sont fait visiblement plaisir à participer de cette pulsion qui nous aura tenus en haleine trois heures durant.

 

Certes, le livret de cette œuvre commandée à Bellini par Rossini n’est pas le meilleur qui ait été écrit à cette époque, et on a parfois du mal à se retrouver dans ce qui se situe en marge de la lutte à mort entre les partisans des Stuart et ceux de Cromwell. Du coup, le choix d’une version de concert était-il sur cet aspect assez judicieux.

 

Il ne s’agissait pourtant pas pour autant d’apprécier une symphonie, mais un opéra en trois actes. Vincenzo Bellini est l’un des rares compositeurs à étendre son amour des voix et des chanteurs à toutes les tessitures, comme en témoigne, entre autres moments superbes, les duos entre une basse chantante et un baryton aigu, les deux voix se complétant à merveille.

 

 

Ceci posé, commençons par ce que fut la performance des dames. La colorature Jessica Pratt (Elvira) est l’une des rares à nous offrir des trilles impeccables sans acidité, ni sons de xylophone, ni registre hystérique. Les suraigus sont incarnés, ce qui dans la dramaturgie d’une histoire d’amour et de pouvoir, plongeant dans la première partie du XVIIème siècle anglais, traduit des sentiment variés d’amour, de peur et un registre de folie causée par la douleur.

 

Le ténor, Yijie Shi, d’origine coréenne, nous a littéralement subjugués. Sa jeunesse (37 ans) n’exclut pas une puissance étonnante et une aisance dans le suraigu qui lui promet une carrière internationale au plus haut niveau. La partition propose à cet artiste formé dans le répertoire Rossinien et Donizettien  de véritables prodiges, puisque cela monte jusqu’au contre-fa, bien au-delà du contre-ut mythique. Peu nombreux sont ceux qui se risquent à l’exercice. Mais qu’une telle performance s’intègre si bien à une dramaturgie vocale nous laisse à proprement parler… sans voix. Puissions-nous avoir le bonheur de l’entendre encore à Marseille.


Le baryton aigu, Jean-François Lapointe, venu du Québec pour peaufiner l’internationalisation du plateau, mériterait lui aussi d’être réinvité, tant il nous a également étonnés. Il maîtrise en effet son registre, du grave à l’aigu, à la perfection, vocalisant l’amour et la haine d’un politique pris dans ses émotions. Dès le début de la représentation, il aura installé une exigence artistique qui n’allait pas se démentir tout au long du spectacle.

 

Habitué de la maison, puisque déjà entendu plusieurs fois en ce début de saison, Nicolas Courjal, basse chantante, participe de la qualité des ensembles qui constituent certains temps forts de l’œuvre, ceux-là par lesquels, au-delà de l’admiration que l’on porte à des artistes tels que lui, on sent monter un état de grâce. Mais ses soli sont aussi d’une beauté éclatante, avec des graves profonds et un médium chaleureux.

 

Restent les trois rôles dits secondaires, mais essentiels, au moins en ce qu’ils sont obligatoirement au niveau en pareil équipage, sauf à nous gâcher la fête. Julie Pasturaud, mezzo royale, Eric Martin-Bonnet, basse aristocratique, Christophe Berry, ténor apportant sa note claire aux ensembles, rien ne manquait au plaisir évident du public. D’autres scènes lyriques ont monté récemment ses Puritani. Il n’est pas certain que cela ait atteint ce niveau exceptionnel.

 

Nous espérerons donc pour pas trop tard, avant le centenaire de la mort de leur compositeur, une production marseillaise de la Sonnambula, de Norma et, pourquoi pas, d’II pirata. Quant aux conditions de cette disparition, Francis Lepardoux a mené une enquête historique et médicale serrée. Le composteur n’est pas mort à 33 ans du choléra, maladie très présente et redoutée à cette époque, quelques jours après le triomphe de ses Puritains à Paris. Il aurait en fait succombé à une sorte de dysenterie amibienne ayant causé des tumeurs intestinales. Cette erreur de diagnostic nous aura peut-être privés de chefs d’œuvre inimaginables.

 


 

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