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lyrica-massilia

Rigoletto, c’est dans la poche

21 Août 2020 , Rédigé par Jean-Marie Cabot

 

Un opéra de poche, c’est un peu comme quand on lit un livre de poche, les émotions et la magie, l’histoire et les phrases sont tout pareil à l’édition originale … et là, l’histoire tout le monde la connait ou presque, Rigoletto le Bouffon du Duc de Mantoue, coureur de jupons invétéré, veut le faire assassiner parce qu’il a déshonoré sa fille et unique joyau, Gilda…

Il en fallait du courage pour organiser et maintenir ce 23° Festival Durance Luberon, malgré la pandémie, avec toutes les interrogations et craintes qui l’entourent. Alors il est difficile de commencer ce compte rendu, sans remercier et féliciter chaleureusement ceux qui en ont permis la tenue, les bénévoles et membres de l’association, son président Luc Avrial, pour qui : « le spectacle vivant est tout aussi nécessaire que l’air que nous respirons » … grâce à eux, à leur travail, c’est un peu du souffle et de l’énergie de notre résistance qui se sont régénérés hier soir.

La cour du Château de Peyrolles bruisse, le public est venu nombreux. La bâtisse est belle, un peu décatie, ce qui lui confère un vrai charme, une authenticité patinée par les ans. La scène, dressée en son centre semble bien petite pour accueillir un opéra de cet ampleur, pensez donc onze chanteurs… mais la gageure sera réussie, grâce à une mise en scène soignée et à l’occupation particulièrement habile du premier étage du château et des abords de l’estrade. Les premières notes du prélude résonnent, jouées au piano par Vladik Polionov qui, non content en maître de cérémonie d’assurer la présentation des trois actes de l’opéra, d’en avoir également réalisé point par point la mise en œuvre, se verra seul derrière son instrument, chargé de la partie musicale et de nous faire oublier, qu’il y a là normalement en place, tout un orchestre… bravo à lui, c’est un immense mérite.

 

 

Rigoletto arrive, vêt sa veste de bouffon qui trônait sur la scène. Kristian Paul respire le rôle, il est un baryton imposant, remplissant l’espace physiquement et vocalement de sa stature formidable. Ses graves exquis, suaves et profonds donnent au personnage tout l’aspect attendrissant qu’il réclame. Gilda, sa fille, est interprétée par Amélie Robins, soprano. Son expression, espiègle et pétillante, alliée à une très jolie voix aux aigus puissants et veloutés, au vibrato assuré, confère au personnage une profondeur émotionnelle et romantique indicible. Rémy Poulakis incarne le Duc de Mantoue. De plus en plus à l’aise au fur et à mesure des tableaux, surtout dans la dona è mobile, que Vladik Polionov avait malicieusement mis en garde le public, de ne pas chanter, le ténor interprétera et enchaînera magnifiquement les airs, avec aisance et brio. Il habitera son rôle avec beaucoup d’émotion. Florent Leroux Roche campe un Sparafucile convaincant. Les graves sont sûrs et puissants, le comédien excelle, il prend plaisir et ça se voit. Marie Pons, mezzo contralto, interprète sa sœur. Présentée comme une sorte d’agent double (sic), à la fois complice de Sparafucile et amoureuse du Duc, elle verra son rôle s’épanouir vers la fin de l’œuvre pour éclater dans le quatuor Un dì, se ben rammentomi, seul extrait dont Victor Hugo inspirateur du livret, ne refusa pas la reconnaissance1. Les courtisans, Mikhael Piccone, Juan Antonio Nogueira, au service du Duc, s’entendent comme larrons en foire. Pleins d’entrain et d’expressivité, tour à tour cauteleux ou et suffisants, ils compenseront avec bonheur compte tenu du contexte, l’absence de chœur. Patrick Agard baryton, dans le rôle du Comte Monterone dont la malédiction pèsera sur Rigoletto tout le long, Sacha Pechkov, comte Ceprano, Karine Andreo dans celui de son épouse et enfin, Marilyn Tralongo, Giovanna, complètent à merveille une distribution rayonnante et radieuse.

Assis sous la voûte étoilée, que la météo absolument parfaite et le ciel provençal auront permis de contempler, autre féérie, le public la tête encore dans les nuages (sic) nourrit de longs et fervents applaudissements, à l’adresse de tous ceux qui participèrent à la réalisation de ce spectacle mais aussi de cette œuvre, que n’aurait certainement pas reniée Raskolnikov 2, héraut d’un autre et célèbre Crime et Châtiment…

Heureux seront ceux qui assisteront, vendredi 21 à la dernière au Château de la Tour d’Aigues, un lieu encore magique.

Vive le spectacle vivant. Vive l’Opéra.

 

 

 

1 Wikipedia : Rigoletto

2 Crime et châtiment : Dostoievski

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